Rédigé par Raphaëlle Saint-Pierre | Publié le 27/09/2024
Construit au début du XXe siècle pour l'importation de café, puis désaffecté dans les années 2000, le hangar 0 avait été choisi pour l'appel à projets « Réinventer la Seine », lancé en 2016 par Paris, Rouen, Le Havre et Haropa Port. Sur le quai de la Saône, il s'étend aux confins du quartier de l'Eure, où a longtemps régné une mixité composée d'ateliers, d'entrepôts de stockage et de petits immeubles d'habitation pour les gens de mer et les travailleurs du port. Aujourd'hui, ce secteur est en pleine mutation. À côté du hangar 0, l'ancien bureau central de la main-d'œuvre, où les dockers se rendaient deux fois par jour pour l'embauche, a été transformé en salle de sport. La caisse des congés payés voisine n'a pas encore été réaffectée, tandis qu'à quelques mètres le foyer des dockers est toujours en activité. Sur les friches portuaires, de nouveaux immeubles de logements poussent. Au-delà du bassin Vétillart, les hautes cheminées de l'ancienne centrale thermique attendent leur démantèlement.
Lauréat de « Réinventer la Seine », le tiers-lieu Hangar Zéro a vu le jour sous la direction de l'architecte Frédéric Denise, dont l'agence, Archipel Zéro, s'est installée sur place. L'espace a ouvert ses portes en plusieurs étapes à partir de mai 2021. Quelques salariés et un bon nombre de bénévoles de tous horizons font vivre l'endroit consacré à l'économie circulaire, sociale et solidaire.
On y trouve une boutique équitable, un restaurant associatif, une ferme urbaine qui développe l'aquaponie, des ateliers partagés, des espaces d'exposition et de formation. « C'est un lieu d'expérimentation sociale et technique de la construction », explique l'architecte. Pour tenir le budget serré et par conviction, tout le second œuvre est réalisé en autoconstruction par les membres de la coopérative. Réutilisés dans leur fonction première ou détournés, un maximum d'éléments provient de la plateforme d'échange et de réemploi de matériaux Permac, également établie ici. Des matériaux biosourcés complètent la liste. Encadrés par des membres de l'agence d'architecture, des chantiers participatifs ponctuent l'emploi du temps.
Dehors, un jardin prend vie et, adossée au bâtiment existant en briques, une grande serre élaborée à partir des anciennes fenêtres de l'école d'architecture de Rouen accueille le bar. La vision se révèle plus étonnante à l'intérieur du hangar. Le vaste volume abrite 37 conteneurs dernier voyage, de 20 et de 40 pieds, en provenance directe du port. Empilés sur trois niveaux, ouverts, percés, certains posés à l'envers, ils sont reliés par des passerelles. Pour les cloisons, l'équipe remplit des ossatures bois de dalles de faux plafonds de bureaux, les recouvre de sacs en toile de jute d'importateurs de café trempés dans la barbotine puis les enduit de terre crue. Certains murs sont montés en pisé de terre-liège élaboré avec des bouchons. « Nous nous sentons accompagnés par l'histoire du port, l'ouverture sur le monde, les horizons », raconte Frédéric Denise. Au Havre, pas besoin de monter sur un bateau pour voyager…