Rédigé par Raphaëlle Saint-Pierre | Publié le 24/09/2018
«Nous sommes prêts à être radicaux ! » Alex de Rijke, fondateur de l'agence dRMM avec Philip Marsh et Sadie Morgan, a inscrit cette phrase sur la première page du projet de la bien nommée Sliding House, achevée en janvier 2009. Situé dans l'exquise campagne du Suffolk, sur la côte est de l'Angleterre, au nord de Londres, ce sage bâtiment crée la surprise lorsque, tout à coup, ses murs et son toit mobiles se déplacent pour couvrir et découvrir les différentes parties de l'habitation. Comme un manteau, sa structure coulissante peut revêtir tour à tour la maison d'amis, la cour, les chambres, la salle de bains, la serre ou la terrasse.
L'INDUSTRIEL ET LE PITTORESQUE
Ross Russell - le propriétaire - et Alex de Rijke se connaissent depuis l'adolescence. Mathématicien plein d'initiative « à la fois simple et sophistiqué » ( dixit Alex de Rijke), Ross commande un jour à son ami architecte une résidence principale qu'il puisse construire lui-même, un lieu ludique, mais aussi de contemplation du paysage. Pendant un an, ils travaillent ensemble à l'élaboration du projet. Tous deux amoureux de l'architecture vernaculaire rurale, ils acceptent volontiers de se conformer aux rigoureuses règles de l'urbanisme local sans pour autant dessiner quelque chose de conventionnel. Après avoir exploré quelques pistes, ils se mettent d'accord pour jouer sur l'image de la grange en bois mais « avec subversion », en mariant « l'industriel et le pittoresque », explique Alex de Rijke. Le résultat : trois corps de bâtiments aux silhouettes familières, d'une apparente simplicité mais bourrés de détails anticonformistes. L'ensemble de 28 mètres de long, 5,8 mètres de largeur et 7,2 mètres de haut, respecte les dimensions et le profil imposés. Les trois entités se distinguent les unes des autres par leurs finitions. Sur 16 mètres, la maison principale est elle-même divisée en deux : la partie qui abrite les chambres, recouverte d'une membrane de caoutchouc rouge, et le séjour sous une serre. Construits eux aussi avec un système modulaire de caissons de bois et bardés de mélèze, le garage arbore des façades rouges tandis que la maison d'amis affiche du noir.
« La couleur rehausse la vie, explique l'architecte, et ici cela permet de distinguer les bâtiments ».
Pour chaque section, il conserve une unité de matériau entre les murs et la toiture, sans interruption. Cette composition linéaire, posée sur l'arête nord-sud le long de la limite du terrain, présente sa façade la plus fermée à la route et aux vents hivernaux. Désaxé par translation latérale, le garage dégage une cour, espace tampon entre la famille et leurs invités.
AU FIL DU TEMPS ET DES ENVIES
Une enveloppe métamorphose les lieux au gré de ses déplacements sur des rails. Cette structure autonome en acier et bois de 16 mètres de long et 7 mètres de haut pèse 20 tonnes. Recouverte d'un bardage de planches de mélèze laissé naturel, elle donne une cohérence esthétique à l'ensemble. Selon leur position, ces toit et murs mobiles forment un bouclier isolant, modifient le cadrage des vues, modulent la lumière et transforment certaines pièces, tantôt à l'air libre, tantôt abritées. Chaque détail se doit d'être minutieusement proportionné pour que les ouvertures coïncident parfaitement. Tous les éléments sont préfabriqués avant le chantier, excepté les menuiseries intérieures et les revêtements de façades, réalisés sur place. Le mouvement s'enclenche grâce à quatre moteurs électriques cachés dans l'épaisseur des murs. Les rails sont inscrits dans la dalle sur laquelle la maison entière repose, dissimulés par le pavage en pierre et longés par une rigole de drainage permettant qu'aucune gouttière n'altère la pureté des lignes de la composition. Lorsque Ross creusera sa piscine, il prolongera cette voie ferrée car il se pourrait bien qu'elle ait besoin d'être abritée de temps en temps… Grâce à une simple télécommande, le bâtiment entier peut évoluer au fil des saisons, de la journée ou des désirs de ses habitants.
« De même qu'il procure de l'ombre en été, le toit sert d'isolation supplémentaire en hiver, laissant entrer le soleil la journée mais conservant la chaleur la nuit », commente Alex de Rijke.
L'habitation s'habille et se déshabille en suivant la progression de soleil. « C'est magique de se retrouver en plein ciel quand tout se découvre, avoue Ross. Je pense que cette maison est à la fois belle et pratique. Mais l'aspect le plus important à mes yeux, a été la collaboration entre un architecte et son client, tout au long de laquelle les idées de chacun, professionnel ou amateur, ont été prises en compte mais examinées de façon critique par l'autre. »
⇒ Article paru dans le Hors-série 40 : BEST OF Les plus belles maisons d'architectes
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