Rédigé par Raphaëlle Saint-Pierre | Publié le 15/12/2017
En 2010, Joe et Linda achètent une usine de plus de 400 mètres carrés datant de la fin du XIXe siècle, dressée dans une agréable rue bordée d’arbres. Elle est située à Fitzroy North, une banlieue résidentielle de Melbourne qui compte de nombreuses constructions protégées par les services du patrimoine local : des maisons basses d’époques victorienne et édouardienne ainsi que d’anciens bâtiments industriels présentant une architecture intéressante. Le couple et leur fille, âgée d’une vingtaine d’années, quittent une villa moderne de Kew, également en périphérie de Melbourne, où ils commençaient à se sentir à l’étroit. Un entrepreneur à qui ils avaient déjà fait appel les met en relation avec l’architecte Andrew Simpson, dont l’agence est établie dans cette ville et qui se consacre majoritairement à des programmes domestiques. Il est justement en train de transformer, dans le même quartier, des écuries du XIXe en maison familiale. Joe et Linda le chargent donc de la rénovation et de la reconversion de l’usine, déjà remaniée à maintes reprises pour abriter tour à tour un atelier de confiture, une fabrique d’eau gazeuse, une agence de publicité et un bureau d’ingénieurs.
ÉVOLUER AVEC LA FAMILLE
« Notre intervention s’est essentiellement concentrée sur un travail d’architecture intérieure », explique Andrew Simpson.
En effet, l’édifice d’un étage est implanté entre deux mitoyens et les réglementations d’ordre patrimonial restreignent fortement les possibilités de modifications extérieures. L’architecte se contente donc de restaurer la façade sur rue en briques rouges et beiges, coiffée d’un chapiteau enduit, et d’opter pour des menuiseries anthracite. À l’intérieur, tirant au maximum avantage des qualités du lieu existant, Andrew Simpson parvient à contenir le coût de son intervention à 1 900 euros le mètre carré environ : il touche le moins possible à la structure, se contentant d’évider le bâtiment et de mettre en valeur les murs de briques irréguliers, ou de les doubler avec des panneaux de contreplaqué de pin australien. Une peinture noir mat donne un aspect plus uniforme aux poteaux et aux poutres de la charpente d’origine, qui n’étaient pas en parfait état, et les distingue ainsi de l’intervention contemporaine aux teintes claires.
En réponse à la demande de Joe et Linda de disposer d’espaces réellement modulables au quotidien et flexibles dans le temps, Andrew Simpson dessine « plusieurs maisons contenues au sein même de l’enveloppe globale de l’usine ».
Il divise le rez-de-chaussée en deux parties possédant chacune une entrée sur rue et un accès au garage, situé à l’arrière de la propriété et desservi par une autre voie. D’un côté se trouve l’appartement de la fille du couple, de l’autre une vaste pièce servant aujourd’hui de hall. Des portes coupe-feu coulissantes relient les deux zones. L’ensemble de ce niveau pourra aisément, à l’avenir, être aménagé pour remplir d’autres fonctions. Au centre, l’escalier mène à l’étage où vivent Joe et Linda.
S’ADAPTER AU CLIMAT
L’étage s’organise autour de la cage d’escalier. Ouverts à l’arrière sur une terrasse en plein ciel, le salon, la cuisine et la salle à manger forment un L sans aucune séparation. Côté rue, la buanderie, le bureau et la chambre du couple sont simplement isolés du reste de la maison par une série de panneaux coulissants, tandis que la salle de bains prend l’allure d’une cabane. Ces pièces modulables peuvent ainsi se combiner avec le reste du volume selon le degré d’intimité désiré.
Afin d’introduire la lumière du jour au cœur de ce profond édifice, orienté est-ouest, et d’insuffler une ventilation naturelle, Andrew Simpson intègre de nombreuses verrières ouvrantes dans la toiture à deux pans.
Avec sa position stratégique au centre du bâtiment, l’imposant vide – de 14 mètres de haut ! – créé par le percement de la cage d’escalier conduit la lumière jusqu’au rez-de-chaussée, uniquement pourvu de petites ouvertures sur rue. Les doubles vitrages teintés, particulièrement adaptés à un pays comme l’Australie, limitent la surchauffe en été. Pour améliorer encore les performances thermiques de l’habitation, l’architecte imagine un épais faux plafond, posé sur l’existant, qui ménage un espace tampon isolant. Il permet aussi de camoufler tous les réseaux mécaniques et électriques et d’animer les lieux par ses zigzags. Le travail de l’architecte, tout en légèreté, a permis de transformer un espace industriel anonyme en lieu de vie, simplement par la qualité de l’éclairement et le contraste des matériaux. Les indices discrets d’une activité antérieure mettent en valeur, avec beaucoup de naturel, le calme inhérent à la nouvelle affectation de l’usine.
Article paru dans Architectures À Vivre 94 : spécial lofts
FICHE TECHNIQUE
♦ architectes Andrew Simpson Architects
Andrew Simpson, Simona Falvo, Danielle Mileo et Louis O’Connor
♦ localisation Fitzroy North, Melbourne (Australie)
♦ bâti d’origine XIXe siècle
♦ livraison 2014 / études 18 mois
♦ travaux 18 mois / surface 440 m²
♦ coût des travaux environ 840 000 euros
♦ matériaux bois (plaquage, terrasse) / contreplaqué de pin (plafond) / chêne massif (plancher) / carrelage Perini (sol) / fibre de verre (isolation) / tôle (revêtement) / brique existante (façade)
♦ fournitures lave-linge, sèche-linge et four Miele / hotte de cuisine Sirius / table de cuisson Barazza / lavabos, baignoire, douche et porte-serviettes Reece / luminaires Artemide / peinture Dulux