Au loin, des moulins à farine, quelques fermes éparses et des habitations sans grande qualité architecturale composent un paysage de campagne apaisée. Loiu, et ses quelques 2 000 âmes, est située au nord-est de Bilbao, à mi-chemin entre la ville et son aéroport. Un territoire modeste mais où bat le coeur du Pays basque espagnol. C’est ici que les architectes de l’agence Acha Zaballa arquitectos ont travaillé sur une rénovation au programme concis mais atypique : deux maisons en une !
ENTRETENIR LE LIEN ET LE FIL
Construit dans les années 1970, l’habitation d’origine, sans charme particulier, était composée d’un garage en rez-de-chaussée et d’un appartement à l’étage. « Il était clair qu’elle n’exploitait pas tout le potentiel de son emplacement privilégié au milieu de la prairie », synthétise l’architecte Cristina Acha Odriozola. Mais plus encore que cette maigre relation au site, c’est une volonté de recomposition familiale qui pousse les propriétaires à approcher l’agence pour scinder la bâtisse en deux : une maison pour le couple et l’autre pour leur fille, avec pour contrainte majeure leur présence sur les lieux pendant tout le temps du chantier. « Intervenir sur l’existant nous amène toujours à nous interroger sur les relations particulières qu’entretiennent les éléments entre eux et avec leur environnement, sur les références que nous souhaitons retravailler, poursuit l’architecte. Nous recherchons constamment cet équilibre subtil entre les nouveaux besoins et la préexistence, pour que le bâtiment soit réutilisé conformément à ses qualités initiales et en maximisant ses possibilités. » Avec un budget restreint et l’impossibilité de s’étendre, l’agence décide donc de recomposer l’intérieur même de la coquille originelle. Une intervention qui passerait presque inaperçue pour « ne pas rompre brutalement le lien affectif que la famille pouvait avoir tissé avec le lieu ». Les deux maisons sont donc pensées comme différentes – aussi bien dans leur organisation que dans leur plastique – mais complémentaires, « et c’est cette contradiction qui maintient une forme d’unité ». Un travail minutieux sur les volumes et les jeux de transparence et d’opacité, suit un fil rouge autour du concept « de positif et de négatif » symbolisé, entre autres, par de larges façades vitrées au rez-de-chaussée et seulement quelques fenêtres encadrées de volets en saillie à l’étage.
MATIÈRES HÉDONISTES
Dédié aux parents, le rez-de-chaussée centralise les pièces humides dans un noyau sur lequel se greffe symétriquement les autres pièces. Les grandes ouvertures vers l’extérieur élargissent la perception spatiale de l’ensemble. En opposition, l’étage de la fille est organisé à partir d’un vide central occupé par l’escalier d’origine et la seconde cuisine, autour duquel gravitent une succession de pièces aux surfaces similaires. Plus intériorisé, ce volume profite de deux ouvertures en toiture existantes et de cloisons en verre strié pour faire circuler la lumière dans tout l’étage et révéler la richesse des espaces. Les matériaux mis en oeuvre se veulent « ordinaires pour un environnement domestique » : linoléum, céramique, aluminium, pin… En dialogue avec les éléments existants, ils apportent aussi une nouvelle expressivité aux deux maisons. « À nos yeux, l’ornementation, la couleur et la texture sont essentielles pour le ressenti du confort, revendique Cristina Acha Odriozola. Nous pensons que l’hédonisme et la ludicité qu’elles procurent ne sont pas incompatibles avec une certaine rigueur géométrique et de composition. » Une approche qui reprend le leitmotiv de Claude Parent (« L’architecture rend heureux, quand même ») et qui se prolonge aussi au dehors... Ainsi, la rénovation de la toiture et des façades a permis de réinterpréter toute l’enveloppe du bâtiment : « En plus de respecter le budget, l’isolation thermique par l’extérieur est un support approprié pour installer un nouvel habillage subtil et délicat », éclaire l’architecte. La composition de losanges sur un fond en plusieurs couleurs et textures s’étend ainsi sur l’ensemble de la façade. Sous les rayons du soleil, la gradation de ces motifs évolue au cours de la journée. Un bâtiment définitivement aux multiples visages.