Il est coutume de dire que la contrainte est une occurrence créative. Sur les hauteurs de Palma de Majorque, les architectes Pep Ripoll et Juan Miguel Tizón livrent une maison de vacances qui le démontre avec brio. Un cas d'école, presque. « La réglementation locale a joué un rôle essentiel dans la conception de la maison, expliquent les architectes. Elle privilégie des bâtiments dont la construction peut s'apparenter à de l'architecture vernaculaire : un seul corps principal à la volumétrie simple, au plan essentiellement rectangulaire, et un toit en pente recouvert de tuiles de céramique traditionnelles. » Exactement ce que l'on voit en observant l'édifice depuis le ciel ou la rue. Mais entre neutralité extérieure du volume et l'intérieur, le contraste est assez saisissant.
Dedans, en effet, les jeux de niveaux alignés sur la pente naturelle du terrain séquencent un enchaînement fluide et dynamique de volumes en demi-étages. Une sorte de topographie intérieure qui connecte progressivement l'habitat et ses occupants avec leur environnement. Qui les projette, depuis le dedans, vers les vues et le paysage en contrebas, dont la magnifique baie de Palma. S'appuyant aussi sur les patios conçus comme zones de porosité à habiter.
©José Hevia
Habitat vernaculaire réinventé
« La maison est en quelque sorte décalée », sourient les concepteurs. Et même plus. C'est sur ce principe de connexion progressive avec l'extérieur que sont aussi organisées les fonctions. Il faut pouvoir accueillir deux familles disposant chacune d'une zone privée indépendante, façon suite, mais partageant des espaces communs : cuisine, salon, puis patios et vaste terrasse avec piscine à débordement. « En fin de compte, poursuivent-ils, nous avons construit deux ailes distinctes de plain-pied connectées par une diagonale qui traverse, par paliers suivant la pente de la colline, les zones partagées. » Simple… enfin presque. Car il s'agit aussi pour les architectes de maximiser l'habitabilité des volumes avec un minimum de moyens, en s'appuyant sur des techniques de construction vernaculaires, à même, également, d'optimiser l'inertie et l'efficacité thermiques du bâtiment. Ils ajoutent : « La coupe du plan s'adapte au terrain, mais celle de la toiture aussi. De plus, ce n'est pas une coque totalement opaque. Nous y avons laissé des espaces permettant à la lumière d'entrer de manière très contrôlée et de créer une ventilation naturelle, facilitée par la disposition en quinconce des plafonds en voûte catalane sous la pente de toiture recouverte de tuiles. Un principe qui nous a permis d'avoir un plan d'étage plutôt grand, et de faire passer la technique dans ces chambres à air ventilées. » Habitabilité maximale, donc. De même, tous les murs, en brique locale conférant au bâtiment une bonne inertie thermique, sont structurels, simplement enduits de mortier de chaux, tandis que les poutres et les dalles sont laissées apparentes. Une manière aussi de célébrer l'architecture locale et une certaine vérité constructive, que le recours au matériau céramique vient souligner. « Les carreaux de porcelaine émaillée, racontent les architectes, en plus d'être utilisés comme revêtement dans les zones humides, sont également mis en œuvre dans la conception de meubles fixes, comme les tables de chevet dans les chambres. Ou pour valoriser des détails techniques cachés ou déguisés (les interrupteurs, les bouches d'évacuation, les retours de la climatisation naturelle) qui sont des éléments qui contribuent à dessiner l'espace intérieur de la maison. » Travailler avec le climat, la géographie, la lumière pour sculpter des espaces… à vivre. C'est cela, au fond, l'architecture.
©José Hevia
©José Hevia
FICHE TECHNIQUE
Architectes : Ripoll Tizón Estudio de Arquitectura, Pep Ripoll et Juan Miguel Tizón
Localisation : Palma de Majorque (Espagne)
Livraison : 2023
Surface : 298 m2
Matériaux : céramique (structure, couverture, voûtes du plafond, revêtements intérieurs et terrasse) ; chaux ( revêtements murs) ; béton (dalles)