Rédigé par Raphaëlle Saint-Pierre | Publié le 09/07/2015
En 2010, un fidèle client d’Arthur Casas s’adresse une nouvelle fois à l’architecte brésilien dont le studio est partagé entre São Paulo et New York. L’homme d’affaires, célibataire, désire quitter son appartement de Rio de Janeiro pour une maison. Avec l’aide de l’agence, il cherche le lieu qui lui permettra de profiter au quotidien des paysages exaltants, entre les fameuses montagnes qui morcèlent et enserrent la ville, et l’Océan Atlantique qui s’étend face à elle. Située sur les collines qui dominent la plage de São Conrado, dans l’un des quartiers les plus chics, la petite parcelle triangulaire de 1 310 mètres carrés dénichée l’avait pourtant laissé sceptique car il n’y voyait pas la mer. « Le terrain était exceptionnel mais nous avons dû convaincre notre client de son potentiel. Au début, il ne croyait pas que nous réussirions à lui donner une vue dégagée sur l’horizon marin, explique Arthur Casas. Je lui ai assuré que toutes les pièces de réception seraient en interaction avec le paysage ». Une promesse incontestablement tenue.
Dissociation des niveaux
Les contraintes réglementaires se résument principalement à la conservation des arbres pour préserver la végétation luxuriante du site et au respect d’une certaine hauteur afin de ne pas priver de la vue les maisons et immeubles voisins. Le client s’implique dans tous les choix. « C’était un travail à quatre mains », assure Arthur Casas. Son principal désir : un vaste espace de réception mêlant toutes les activités et une suite privée nettement séparée. La solution imaginée par l’architecte consiste en une habile décomposition des volumes en trois niveaux. Jouant avec la pente existante qu’il remanie, il surélève les pièces publiques et la piscine au premier étage, tout en leur donnant l’allure d’un rez-de- chaussée puisque l’entrée s’effectue par là, après avoir monté six marches. En réalité, ce niveau s’étend au-dessus des chambres d’amis, donnant sur le jardin à l’avant et sur un patio à l’arrière, d’une buanderie et d’un logement pour le personnel qui s’inscrit dans le sol creusé lors du chantier. Ainsi, le panorama s’étale face au volume du séjour de 150 mètres carrés, entièrement ouvert. Ici, se répartissent de part et d’autre de l’escalier central : le salon et son home cinéma, la salle à manger et une cuisine américaine – qu’une cloison amovible peut dissimuler lors des dîners et des fêtes. Accentuant l’effet spectaculaire, les baies vitrées, qui occupent toute la largeur de l’étage côté sud, glissent pour se cacher derrière des murs de pierre. Il n’y a alors plus aucune limite entre la villa, le deck et la piscine à débordement dans son prolongement. À chaque niveau, les grandes portées, les auvents, les pergolas donnent une illusion d’ampleur à des espaces dont les dimensions ne sont pas si exceptionnelles. Perché tout en haut, tourné vers l’horizon, le dernier étage abrite l’appartement privé du propriétaire, comprenant sa chambre, son bureau et un spa extérieur. Cette boîte, bardée de bois et posée sur le socle de pierre, confère des allures de cabane de luxe à cette partie la plus intime, surplombée par les pitons rocheux de la Pedra da Gavea et la forêt de Tijuca.
Matériaux locaux
Le chantier dure deux ans, rendu complexe par l’accès difficile depuis les petites routes sinueuses et par la conception de la structure, qui marie béton et acier, poussés aux limites des portées. Les choix esthétiques que développe l’architecte au sein de son agence depuis une quinzaine d’années se retrouvent ici dans la recherche d’une « pureté des lignes, d’une sobriété qui ne sacrifie pas le confort, d’une ouverture sur le paysage avec une intégration totale entre l’intérieur et l’extérieur ». Arthur Casas revendique l’influence de l’architecture moderne brésilienne des années 1950 et 1960, celle des grands maîtres comme João Batista Vilanova Artigas ou Oswaldo Arthur Bratke. Partout, la masse de la pierre est contrebalancée par la légèreté du dessin : un escalier en porte-à-faux, des marches dans le vide, un dernier étage en lévitation. Le propriétaire et ses invités sont projetés dans le paysage mais protégés par la présence de matériaux chaleureux. Par principe, Arthur Casas les sélectionne au Brésil : une pierre basaltique provenant d’une carrière de l’état de Minas Gerais et du Cumaru, un bois jaune-rouge, imputrescible, stable et durable, qu’il utilise aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Afin de créer un univers harmonieux et comme à son habitude, l’agence signe également le mobilier intégré et la décoration qui mise essentiellement sur des créateurs brésiliens actuels. Une sélection effectuée en lien étroit avec le client, bien sûr ! « Ce projet est autant le nôtre que le sien », conclut l’architecte.