Formés à Paris, les associés de l’agence BAL –Thomas Cestia, Jeanne Mauvezin et Thomas Sabatier– ont construit leur réputation grâce à leurs interventions sur des échoppes et maisons bordelaises, notamment sur le secteur de Nansouty. C’est là que les futurs propriétaires de la maison C. et leurs trois enfants découvrent leur travail chez des voisins. Séduits, ils sollicitent les architectes dès le début de leur recherche d’un bien immobilier dans le même quartier. C’est dans une élégante rue de maisons mitoyennes, aux gabarits homogènes mais aux modénatures variées, que la famille fait ainsi l’acquisition d’une demeure cossue du XIXe siècle. Sa façade en pierre, finement brodée, a été noircie par le temps. L’intérieur n’a connu aucune modification lourde depuis les années 1960: l’espace y est contraint par une succession de petites pièces cloisonnées et de couloirs. La luminosité fait défaut, en particulier dans les lieux de vie, et un escalier étriqué conduit aux combles. Côté jardin, la façade arrière, peu attrayante, a été épaissie d’une souillarde*. Un remodelage général s’impose donc afin de réorganiser le plan, de dégager les volumes et d’agrandir l’espace habitable au travers d’une surélévation sur jardin.
RECOMPOSER ESPACE ET FAÇADE
Pour introduire de la lumière au centre de la maison, une verrière est positionnée au-dessus du hall d’escalier traditionnel en pierre. Celui en bois qui menait au dernier niveau est supprimé, remplacé par d’aériennes volées métalliques qui laissent filtrer le jour jusqu’au rez-de-chaussée. La surélévation en structure bois sur l’arrière de l’habitation –dans les anciennes combles au R+3– abrite l’espace de vie des parents (chambre, atelier de peinture, sanitaires), prolongé d’une terrasse nouvellement créée et ouverte sur le cœur d’îlot verdoyant. Sous le rampant, un espace de rangement devient chambre d’amis. Au premier niveau, après que le cloisonnement ait été repensé, les trois chambres des enfants bénéficient d’une surface sensiblement identique –entre 15 et 17 mètres carrés–; deux se partagent une terrasse sur jardin, une troisième donne sur rue. La salle d’eau est transformée en salle de jeu et la salle de douche en salle de bains. Au rez-de-chaussée, se développe l’espace de vie où la famille aime recevoir. La souillarde est détruite et la salle à manger aménagée en lieu et place de l’ancienne véranda et de la terrasse. Décloisonnés, coin repas, salon et cuisine sont désormais reliés de manière fluide, ouverts les uns sur les autres par des découpes dans les murs et des parois abattues. Pour intégrer cette nouvelle partition intérieure, une nouvelle façade est dessinée côté jardin, plus généreusement ouverte et mieux proportionnée que dans la configuration originelle.
PRÉSERVER ET RÉVÉLER LE PATRIMOINE
Le réaménagement de l’agence BAL, sensible et sobre, offre des conditions de confort contemporaines aux habitants mais ménage aussi les belles traces du passé de la maison. La façade sur rue, restaurée, retrouve la blondeur si caractéristique de la pierre calcaire de Gironde. Celle sur l’arrière fait nettement apparaître deux plans : un minéral où la pierre originelle a été maintenue; un orné de briques vernissées grises, comme un clin d’œil aux immeubles des boulevards bordelais de la fin XIXe, début XXe siècle. Au rez-de-chaussée, carreaux de ciment, porte en vitrail, boiseries, parquet et autres moulures sont conservés, en relation avec les nouveaux aménagements. Un soin particulier est porté au dessin des éléments de mobilier intégrés qui libèrent l’espace et génèrent un environnement unitaire: les murs sont épaissis d’étagères et de rangements, les cloisons se font parois-bibliothèques, les radiateurs sont cachés dans des placards.
La modernité, sans excès, a sa place, notamment au travers des brise-soleil télécommandés qui protègent les grands vitrages sur jardin exposés au sud. Les habitants y gagnent en confort, en particulier en été. Enfin, quelques références orientales –emploi de couleurs profondes et de zelliges, carreaux de terre cuite émaillée d’origine marocaine– satisfont le goût pour les voyages des propriétaires et rappellent les destinations lointaines du Bordeaux portuaire.
*À Bordeaux, il s’agit de petites pièces, épaulées aux maisons, dans lesquelles se trouvaient les lieux d’aisance