Rédigé par TBA - Thomas Balaban architecte / V2com | Publié le 16/04/2021
Ces maisons modestes, omniprésentes dans la ville, ont été construites pour permettre l’accès au logement, conçues pour être agrandies en fonction des besoins et des moyens changeants de ses propriétaires. Au fur et à mesure que la ville s’est développée, ces petites maisons se sont trouvées coincées entre des duplex et des triplex, construits autour d’elles. Leur disproportion dans la ville est exacerbée par le fait que, pour permettre un jardin avant généreux et un espace social extérieur, bon nombre d’entre elles ont été placées en fond de cour. A fil des années la valeur du développement du terrain l'emportait sur celle de la petite demeure, leur nombre diminué ou étouffé par des agrandissements surdimensionnés. L’encadrement municipal de leur développement ouvre la porte à des interventions architecturales intelligentes qui adressent les préoccupations croissantes concernant la disparition de cette typologie. C'est là que réside le plus grand, mais aussi le plus passionnant défi du projet : Comment agrandir pour équilibrer le besoin d'espace d'un client, tout en respectant l’histoire riche de la construction existante et son lien direct au terrain ?
Après avoir habité la maison plusieurs années, les clients voulaient plus d’espace pour y loger leur famille grandissante; chambres supplémentaires, espaces de vie plus grands et une séparation spatiale entre les pièces privées et les zones à vocation familiale-sociale. Dès le début, les clients et architecte ont partagé le désir de non seulement conserver la typologie d’un étage, mais aussi l'espace extérieur, particulièrement les arbres matures à l'avant du terrain. Les clients sont une jeune famille aux moyens limités, et la réalisation de la maison s’est échelonnée sur 3 ans.
Tout d’abord, la nouvelle façade rétablit la continuité des façades sur la rue, interrompue auparavant par la maison en fond de cour. Le deuxième geste formel traduit la volonté de préserver les arbres matures à l'avant de la propriété; une volumétrie découpée construite sur pieux pour protéger leur système racinaire. Le troisième geste rejoint l’agrandissement à l’existant. Ce couloir ouvert relie le contemporain à l'ancien et délimite la cour intérieure. Du côté mitoyen, celui-ci abrite une colonne de service dissimulée incorporant la cuisine, toilette, rangement et buanderie, reliant mécaniquement l'ancien et le nouveau. Le lien est intégré à l'extension par le même langage formel, et reflète la courbe découpée autour de l'arbre à l’avant. Le résultat est un volume sinueux qui se glisse autour du contexte et le paysage du terrain.
La stratégie d'organisation plutôt typique à la plupart des maisons urbaines, est complétée par une séquence d'espaces extérieurs. Les espaces calmes, tels que la chambre et le salon, restent dans la maison existante où les fenêtres modestes et les plafonds plus bas se prêtent bien aux environnements intimes et tranquilles. Les espaces familiaux les plus bruyants, grands et ouverts, sont sculptés autour des arbres de la propriété. La salle à manger est le centre social de la nouvelle demeure – elle est aussi espace de travail et salle de réunion. C'est notamment dans la salle à manger que la majorité de la conception de la maison a eu lieu. Le grand vitrage à l’intérieur du projet offre une connexion physique et visuelle au jardin et à la façade originale du « shoebox ». À l’avant, sur la rue, un bloc de rangement sépare l'espace familial de l'entrée principale. Il filtre la lumière entrante, et joue un rôle d’écran entre les passants sur le trottoir et l’intérieur.
La préservation de la structure existante et de la végétation mature du terrain reste au cœur de l’approche durable du projet. Pourtant, deNormanville met aussi en œuvre une d'efficacité énergétique à faible coût, ainsi qu’une réduction de déchets de construction. En conservant les petits espaces du logement existant, l'intervention à la structure de l’existant a été minimisée à la correction de lacunes mineures et à la modernisation de l'enveloppe pour l’arrimer aux normes énergétiques actuelles. L’agrandissement est appuyée sur une fondation en pieux. La dalle isolée a été coulée sur un coffrage biodégradable, qui forme un vide afin de gérer le mouvement du sol au travers des gels et dégels. L'utilisation de fondations sur pieux protège non seulement les systèmes racinaires des arbres existants, mais elle réduit considérablement l'excavation nécessaire sur place, et élimine le besoin de déverser du déblai de sol hors site.
DeNormanville a pour objectif de célébrer les qualités discrètes de sa typologie. Dans sa lecture depuis la rue, le projet affirme le caractère fier mais modeste d'un « shoebox » tout en affichant des moyens contemporains et une abstraction géométrique. Cette simplicité est renfoncée par des détails soignés. La façade met en valeur la richesse de la texture et couleur du revêtement en brique d’argile. L‘effet est renforcé par des détails tels que le bord fin et effilé de la découpe cylindrique et les ouvertures épurées. Au final, le projet rétablit sur la rue la présence d'une maison de plain-pied, un geste à la fois modeste, minimal et mémorable dans un quartier hétérogène. Il préserve ainsi le rare discours de la typologie « shoebox » et son caractère.
FICHE TECHNIQUE
♦ Intervention : rénovation complète
♦ Type : maison unifamiliale
♦ Localisation : Rosemont - La Petite-Patrie, Montréal, Québec
♦ Superficie : 135 m2
♦ Architecte : T B A
♦ Équipe : Jennifer Thorogood, Mikaèle Fol, Pascale Julien
♦ Ingénieur en structure : Latéral
♦ Entrepreneur : Rockethammer
♦ Photos : T B A + Adrien Williams