Vous êtes ce que l'on appelle un maker. Que faut-il comprendre ?
C'est vaste… et il y a de tout là-dedans ! Je crois surtout que le savoir-faire est important. Un bon ébéniste, un bon menuisier, ce sont des années de formation, de travail, avant de vraiment maîtriser les outils, les techniques et les matériaux.
Après, on peut faire le chemin dans les deux sens : venir du design et aller vers le faire, ou l'inverse. Moi, je suis un menuisier-ébéniste, venu au design par passion, en autodidacte, très inspiré par Charlotte Perriand et George Nakashima [ lui-même architecte, menuisier et fabricant de meubles aux États-Unis dans l'après-guerre, ndlr]. Je me documente énormément… et puis ma sœur est architecte.
J'aime aussi beaucoup travailler avec des designers, créer à quatre mains. Avec Émilie Cazin, par exemple, nous développons une chaise pour enfant Montessori pour un petit éditeur de notre région, l'Indiscret meuble, qui propose des collections 100 % made in France.
Pouvez-vous décrire votre parcours ?
J'ai arrêté l'école tôt pour me consacrer à la menuiserie. Lorsque l'on entre dans un atelier, la magie opère immédiatement : l'odeur du bois, les gestes... On comprend tout suite que c'est là que les choses se créent. J'ai appris le métier de manière très traditionnelle, passé trois années avec les compagnons, puis j'ai eu la chance de partir à Sydney, exercer dans un atelier qui fabriquait des meubles et des agencements de très haute facture pour des architectes principalement. Ma rencontre avec le design a vraiment eu lieu là. En 2010, je suis rentré en France et j'ai ouvert mon propre atelier. Aujourd'hui je partage mon temps entre des projets d'agencement et la conception de mobilier. Je suis très heureux de présenter ma première collection, Nemesis, en bois et marbre allégé.
Que souhaitez-vous raconter à travers cette collection, justement ?
Une matière et un savoir-faire. Je pars du matériau, avec à chaque fois une tentative de le garder dans ce qu'il a de plus brut, sans trop en faire. Pour Nemesis , allier du noyer et du chêne du coin, avec du marbre allégé du Portugal, peu exploité dans le secteur du meuble, était très intéressant. Je peux le travailler seul, comme du placage de bois. Le parallèle avec l'ébénisterie est assez chouette à explorer. Et c'est très beau ! Après extraction, les marbriers prennent une tranche de marbre de deux centimètres, collent un panneau sandwich sur chaque face et refendent la pierre en deux. Ce qui fait que lorsqu'on l'ouvre, le veinage symétrique se révèle, comme deux ailes de papillon. Et puis, ce marbre m'est fourni par un copain, Brice Camerman, qui a créé un bureau d'études spécialisé dans la pierre allégée. La difficulté du mobilier de petite série, c'est le rapport au temps de fabrication. Ainsi mon objectif est de montrer un univers qui peut rencontrer le besoin d'un prescripteur ou même d'un particulier.
Pourquoi l'atelier s'appelle-t-il QDA ?
Pour queue d'aronde. Une technique d'assemblage manuelle ancestrale, très solide, qui ne nécessite ni colle, ni clous. Elle évoque vraiment le savoir-faire, la beauté, la simplicité. Bref, tout ce à quoi j'aspire dans mon travail. Et puis le nom vient de queue d'hirondelle… C'est joli pas vrai ?
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