Il est des bâtiments dont l’histoire impose aux architectes un effort de recherche, dans une démarche respectueuse assez semblable au travail de l’archéologue. Construite il y a plus de 125 ans par Sir Macpherson Robertson – un philanthrope et entrepreneur singulier, toujours vêtu de blanc en public, se déplaçant en voiture tirée par deux poneys tout aussi immaculés –, cette ancienne chocolaterie – blanche, évidemment – appartient à cette catégorie. D’abord parce qu’elle abritait les ateliers de cette confiserie australienne historique – rachetée par l’Anglais Cadbury en 1969 – et parce qu’elle fût ensuite reconvertie en dojo, ainsi qu’en agence de publicité avant de devenir principalement résidentielle au début des années 1990. Des changements de destinations qui contribuèrent à sa légende, mais ne manquèrent pas non plus d’altérer sa forme originelle. Ce passé, les concepteurs de Architects EAT tentent de le retrouver en 2015, lorsque leurs clients frappent à leur porte pour dessiner leur nouveau chez eux dans l’un des lots issus du découpage de l’ancienne chocolaterie.
Sensibles à la richesse patrimoniale que représente l’édifice, les concepteurs font leur maximum pour « tenir compte de son contexte et de sa signification historique », explique Albert Mo, l’un des associés.
Hors de question donc de toucher à la structure du bâtiment ; tout l’enjeu consiste justement à la sublimer. Pour cela, les cloisons superficielles issues des précédents travaux sont abattues, et les éléments d’origine – poutres en bois, murs de briques et surtout volumes – mis à nus. Aussi choisissent-ils d’aménager le nouveau loft avec légèreté dans cette enveloppe atypique, en déterminant trois séquences distinctes mises en valeur par des vides. Un bon moyen d’exploiter la grande hauteur sous plafond, d’autant plus remarquable que la toiture est en dent de scie. À ces trois temps correspondent des fonctions différentes : un patio, protégé par un grillage expansé galvanisé permettant de ne pas dénaturer l’extérieur du volume donnant sur la rue ; les pièces de vie avec une chambre à l’étage – accessible par une fine et légère passerelle métallique –, et enfin la majorité des espaces privés, incluant les chambres, une bibliothèque et un bureau. Côté matériaux, les architectes les privilégient bruts ou massifs, mais les traitent avec délicatesse, toujours dans un souci de respect de l’existant. Verrières en métal, murs en pierre et lambris patiné semblent ainsi toujours avoir été là, comme sélectionnés par Sir Macpherson Robertson himself. Ne manquent que les hennissements de ses deux poneys blancs…
OUVERTURE
Le patio est séparé du reste du projet par des portes-fenêtres en accordéon, ainsi qu’une banquette au niveau du salon. Une fois les baies ouvertes, la limite entre l’extérieur et l’intérieur devient floue, tant visuellement que dans les usages du quotidien.
Article paru dans le Hors-série 37 : 1001 désirs d'intérieur actuellement en kiosque et disponible sur la boutique en ligne