
Comment est né votre collectif ?
À l'origine, nous nous sommes réunies pour travailler sur des problématiques d'appropriation de l'espace, ce qui se traduit la plupart du temps par des projets d'installation et du mobilier. Dès notre première réalisation, nous avons souhaité une interaction vive entre nos propositions et l'humain, que ce soit au moment de la conception, en collaborant avec les futurs usagers, lors de la fabrication, en coproduisant avec les artisans, ou enfin lorsque l'objet est fini. Il faut que l'utilisateur puisse s'en emparer facilement. C'est comme cela que la notion de modularité est entrée dans notre vocabulaire : si l'objet n'est pas figé, alors on peut le faire évoluer en fonction de ses besoins. Cette interaction nous tient à cœur, on veut que l'usager soit acteur.
Concrètement, comment conçoit-on un objet qui n'a pas de fonction précise ? En d'autres termes, comment anticiper le détournement ?
On est obligé d'imaginer la façon dont les gens pourraient utiliser l'objet, donc on se raconte des histoires. Le MUBE, par exemple, a été pensé pour des usages simples : assise, meuble de rangement, bureau, etc. Après avoir expérimenté nous-mêmes nos créations, nous les faisons tester, pour voir ce qui fonctionne ou non, comment les gens se l'approprient. Il faut savoir que le MUBE est né d'un premier projet, M comme CUBES. La forme était différente, mais la finalité était assez proche. Nous l'avions conçu pour le hall d'une salle de concert. Les besoins étaient variés, car cet espace peut endosser différentes fonctions, dont certaines encore indéterminées.
Comment anticiper l'inconnu ? Nous avons donc dessiné ce cube composé de faces pleines et d'autres ajourées. En les multipliant, on s'est rendu compte que cela pouvait répondre à pas mal d'usages. On a également constaté que plus l'objet est simple, meilleure est l'appropriation. Et pour que les gens se sentent libres d'en faire ce qu'ils veulent, il doit être robuste et léger. Enfin, il faut que son dessin ne lui donne pas trop de sens. Prenez une table par exemple : vous allez forcément la poser sur ses pieds. La fonction ne doit pas être une évidence pour que l'on s'autorise à amener l'objet vers d'autres territoires.
Comment est née la forme de MUBE, un prisme à base triangulaire dépliable ?
À la différence du cube, le triangle, si on le multiplie, permet de dessiner des biais et donc des directions, ce qui est un plus en termes de dynamique spatiale. Quant au fait d'être dépliable, c'était à l'origine pour des questions pratiques : à plat, il prend moins de place et se stocke facilement. On s'est rendu compte que cela ouvrait aussi le champ des usages : semi-plié, il peut servir pour de la scénographie par exemple. Évidemment, cela n'a pas été sans difficultés : en testant la première version, nous avons constaté que l'assemblage n'était pas aussi logique que nous le pensions. Finalement, nous avons travaillé des pièces qui fonctionnent comme celles d'un puzzle. Leurs formes laissent lisibles les possibilités d'emboîtement, pour que l'usager comprenne facilement ce qu'il doit faire…