Pourquoi avoir choisi d'aborder la création d'une collection de motifs pour des parois vitrées à travers la conception d'un logiciel ?
Parce que cela correspond au savoir-faire de Skyline Design. L'entreprise ne fabrique pas de panneaux de verre, mais connait sur le bout des doigts tous les métiers liés à la transformation de leur surface et à l'altération de leur texture - gravure, sablage, impression, etc. -pour les rendre privatifs, tout en préservant les apports de lumière. Ce, quelles que soient les applications : cloisonnements intérieur, façades… Tout est réalisé sur mesure, et les processus sont entièrement digitalisés.
Il nous paraissait d'une part intéressant de pousser un peu plus loin cette idée de sur mesure, et d'autre part, nous voulions obtenir des surfaces qui soient subtilement colorées, vibrantes, avec un motif en perpétuelle évolution. Pour cela, les outils digitaux de conception sont formidables. Nous avons donc mené une recherche plastique très poussée, destinée à l'impression numérique pour les panneaux Skyline.
Quelles perspectives ouvre ce logiciel ?
Habituellement, un architecte vient avec son besoin, et Skyline imprime un dessin issu de son catalogue en l'adaptant très précisément. Le logiciel que nous avons imaginé offre ici la possibilité der e-générer le motif à la volée avec un environnement graphique et coloré issu de nos propres recherches. Mais dans le futur, la palette pourrait éventuellement venir d'un contexte encore plus précis.
Imaginez la conception d'un bâtiment dans la Death Valley, où tout est orange, rouge, terreux. On pourrait par exemple étudier des gammes à partir d'une photo du paysage, ce qui permettrait d'intégrer davantage la construction dans son site… Je m'éloigne un peu du projet, mais c'est pour mieux expliquer que concevoir une recette plutôt qu'un catalogue de dessins, revenait à l'idée de produire un motif lui-même réactif à la demande, et beaucoup plus finement appliqué. La démarche a soulevé beaucoup de questions chez le fabricant, parce que ce que nous avons livré n'est pas figé.
Concrètement, comment avez-vous procédé pour concevoir ce logiciel ?
Nous avons codé un programme capable de jouer indéfiniment avec des paramètres colorés et graphiques. Un pinceau digital, très simple, à la manière des Dripping du peintre Jackson Pollock : une procédure répétitive, mais qui produit des résultats différents à chaque fois. Au fond c'est ça le design : définir un protocole clair d'opérations à reproduire. Le logiciel nous permet de le faire en allant dans des détails que nous pourrions difficilement obtenir autrement. Pour nourrir le programme, nous avons réalisé des séries de photos, dans des forêts, en ville, etc., dont celui-ci a ensuite extrait les teintes, à partir desquelles il a généré des palettes d'une richesse infinie. À cela, nous avons ajouté deux motifs graphiques simples et invariables (Chevrons et Oblique) de manière à créer des contrastes, comme dans les vitraux traditionnels, où la ligne noire et sombre du plomb accroît la luminosité des autres parties. Nous jouons avec l'œil pour renforcer la sensation de lumière. Lorsque l'on regarde les vieux vitraux unis, la nature irrégulière du verre crée de très belles variations. Nous avons tenté de reproduire cela numériquement. Le processus est plus léger, dynamique, précis, et le résultat quasi magique. Un panneau comprend d'innombrables références de couleurs superposées, jusqu'à 10 000 parfois. L'outil crée des dégradés, des évolutions d'une grande subtilité et très maîtrisées. Et c'est précisément ce que nous recherchions pour la collection !
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