La fenêtre s'ouvre, en même temps qu'un soupir se laisse entendre. En tout, elles sont douze, douze ouvertures comme autant d'histoires, de mémoires du confinement. Sur la plate-forme virtuelle du musée du Jeu de Paume, Là où habite ma maison, projet de la plasticienne Jeanne Susplugas, montre, une fois n'est pas coutume, que l'art contemporain, online, peut aussi taper dans le mille. En commençant au printemps 2020 à recueillir des témoignages de familles, de couples, de femmes et d'hommes coincés dans leurs habitations, Jeanne Susplugas ressent une forme d'urgence, celle d'explorer et de donner à voir « ce qui se produit lorsque l'on est privé du dehors ».
Comment vit-on l'enfermement ? Ses capsules sonores et visuelles répondent toutes à cette même question. Et toutes sont conçues sur le même modèle, un « format low-tech », « car je souhaitais garder une sorte de simplicité, de spontanéité », précise l'artiste. En résulte une série de fenêtres, sur lesquelles il suffit de cliquer pour voir ce qui se dissimule derrière la vitre, les rideaux. L'internaute entre, tandis que se dévoile un intérieur dessiné au moyen de quelques traits. Puis quelqu'un raconte. Cette mère que ses parents n'ont pas voulu accueillir de peur que ses quatre enfants n'abîment la villa familiale. Où encore ce père de famille qui a « coupé » le salon en deux pour ne pas être dérangé lors de ses réunions « zoom ».
Intimes, pudiques, souvent tristes mais toujours poétiques, ces histoires tirées de faits réels, réécrites et dites par l'écrivaine Claire Castillon explorent les meurtrissures des habitants pris au piège de leurs intérieurs. Entre la conversation et la confidence, on comprend que l'architecture y devient malheureusement souvent traquenard. Mais lorsque l'on ouvre la fenêtre, on se sent libre, à nouveau.
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