Architectures À Vivre : Comment a débuté votre collaboration avec Boffi ?
Piero Lissoni : En 1986 j'ai été engagé comme directeur artistique… sans aucune expérience ! Je travaillais alors sur les catalogues, les expositions. Le premier projet de cuisine à proprement parler que j'ai conçu s'appelait Esprit, en 1990. À ce moment-là, Boffi était comme un princesse endormie, et Roberto réfléchissait à des moyens de la réveiller.
Nous avons pris le parti de la qualité : celle de la fabrication, des matériaux et de l'usage évidemment. Puis nous avons imaginé Latina, qui rompait avec les codes traditionnels de la cuisine.
A.À.V. : En quoi avez-vous rompu avec les codes traditionnels de la cuisine ?
P. L. : Nous voulions transposer la cuisine professionnelle dans l'espace domestique. Il s'agissait d'introduire la technicité des gestes professionnels, les mouvements, les déplacements. Pour ce faire, nous avons démantelé l'unicité traditionnelle de la cuisine intégrée, pour l'aborder fonction par fonction, en nous concentrant sur le plan horizontal. Nous l'avons également ouverte sur le reste de la maison. Et trente ans plus tard, nous voilà en train d'essayer de briser un peu plus ses codes. Combine cristallise les fonctions dans des blocs de formes et dimensions hétérogènes, à combiner selon ses besoins, ses envies, l'espace dont on dispose. Les finitions sont sur-mesure : Corian®, stratifié, métal, pierre, bois, etc. Il s'agit d'apporter de la versatilité à l'espace.
A.À.V. : Ainsi Combine est plus un système ouvert qu'un produit fini ?
P. L. : Tout à fait ! À mon sens le métier de designer relève d'une forme de pensée du système, et le processus de conception, de l'exercice de mathématiques.
Combine est un peu la résolution d'une équation complexe. Proportions, combinaisons, matériaux, fonctions, espaces, horizontalité, verticalité… C'est l'alliage de tous ces facteurs qui crée l'ambiance particulière d'un lieu. Comme un jeu, dont notre métier consisterait plutôt à inventer les règles, afin de façonner des lieux uniques, sans effets de styles un peu vulgaires ou d'originalité pour elle-même, tout droit sortie de l'imagination d'une rock star. Il faut de l'humanité.
► Entretien paru dans Architectures À Vivre 106 spécial rénovation