Peut-être Robert Cottingham serait-il un Américain comme les autres s'il n'avait été plus tête en l'air que la moyenne. Dans les années 1970, le publicitaire, fraîchement emménagé à Los Angeles, met à profit son temps libre pour dessiner les villas d'Hollywood. « Petit à petit, je me suis mis à lever les yeux et à voir ce que personne ne remarquait », explique l'octogénaire, qui, regard tendu vers le ciel bleu, admire… les enseignes. Dans la gloire déclinante de leurs néons, ces étendards vintage, emblématique des Thirties, éclaboussent l'azur de la Californie.
Un demi-siècle plus tard, les enseignes de Bob Cottingham, immuablement tape-à-l'œil et flashy, s'étalent sur d'immenses toiles, relookant en motel de la route 66 la très digne galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois du 6e arrondissement de Paris. La rétrospective, présentée jusqu'au 21 décembre, s'accompagne d'une monographie éblouissante, à la couverture aussi fluorescente que les modèles du peintre hyperréaliste. Avec plus de 425 œuvres à son actif, Bob Cottingham suit un protocole bien rôdé : d'abord la photographie, puis le crayonnage, l'aquarelle, et enfin la toile. Avec un soin méticuleux, l'artiste défroisse la tôle, décrasse la rouille, pour aboutir à la perfection faite néon.
« Ces enseignes ont disparu, la beauté est de les maintenir en vie, alors je les nettoie. »
Pour constituer son fond d'archives, Robert Cottingham a sillonné la côte nord-est des États-Unis, Hasselblad en bandoulière, assis sur le siège d'un bus - le moyen de transport d'avant, où l'autocar était encore pour tous et non pas emprunté par les seules classes sociales défavorisées. « Les gares routières sont toujours dans les parties les plus anciennes des villes, explique Bob Cottingham. Je sais que je suis au bon endroit et je n'ai plus qu'à attendre l'heure magique. » Lorsque le soleil se couche, les ombres se dessinent et le métal froid des enseignes prend vie. En puisant dans ses diapositives, depuis sa grange réhabilitée du Connecticut, l'artiste n'a plus qu'à, sur un air de jazz, le pinceau précis et appliqué, réveiller l'Amérique de Norman Rockwell…
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