C'est une baffe, un uppercut. Au CENT-QUATRE-Paris, dans le 19e arrondissement, l'exposition « Énergies Désespoirs», concoctée par l'agence Encore heureux, l'École urbaine de Lyon et l'illustrateur Bonnefrite, s'attelle à la thématique de l'Anthropocène. Cela aurait pu être consensuel ; c'est réjouissant et réussi, au moyen d'un seul et unique médium, la peinture. En tout soixante affiches, pour une expo transportable et recyclable à l'envi, reprenant le format des pubs Decaux, avec des images montées sur des stop trottoirs. Au recto, on broie du noir (et blanc) avec des constats sombres sur l'état du monde. Au verso, d'irrésistibles couleurs flashy, et des nouvelles qui font du bien. « Un côté nous effondre, l'autre nous réconforte, analyse l'architecte Nicola Delon, de l'agence Encore Heureux. Il faut les deux pour tenir debout, et aller de l'avant. » D'autant que sur certaines, des slogans claquent : « Moins de banquiers, plus de banquise », « Aux arbres citoyens ». Collectés dans les manifs sur le climat, ils témoignent de la forte mobilisation populaire sur la question, avec un humour galvanisant. L'ensemble se caractérise enfin par ses différents niveaux de lecture. Car si les affiches sont immédiatement accessibles aux petits comme aux grands, elles ne sont que la partie émergée de l'iceberg pris par la fonte des glaces : sous chaque image, un panonceau énonce chiffres et détails renvoyant à des articles de recherche récents.
Gare à certains dessins difficiles à oublier, abeille mise en cercueil, ou ce kangourou en feu alertant sur les incendies de forêt en Australie : « C'était l'enfer à dessiner, j'ai mis trois semaines à m'en extirper, avoue Bonnefrite, qui explique avoir traité chaque sujet comme une caisse de résonance. À chaque image, une idée, et on ne dessine que ce que l'on sait. » Au passage, la filière de la construction en prend pour son grade, de ses immeubles vides à ses grands projets inutiles. Salutaire.