Madrid et ses petites rues qui ondulent, son ambiance vibrante, ses marchés fréquentés, ses bars et restaurants chaleureux. C'est pour profiter des atouts de la capitale qu'un couple décide d'acheter un vaste appartement au cœur du quartier central de La Latina. Mais avant d'y emménager, ils souhaitent engager une rénovation complète ; la bâtisse construite en 1900, qui abritait autrefois une manufacture de briques avant d'être transformée en logements, offre 3,80 mètres de hauteur sous plafond mais présente des volumes fragmentés et peu lumineux. Au cours de l'année 2017, un an après l'acquisition, le couple contacte l'agence madrilène Zooco Estudio -sur recommandation d'amis qui ont fait appel à eux pour concevoir leur propre maison- pour rénover leurs 140 mètres carrés. La jeune agence, fondée en 2008 dans la capitale espagnole par Miguel Crespo Picot, Javier Guzmán Benito et Sixto Martín Martínez, réalise aussi bien des équipements scolaires et culturels que des aménagements de restaurants, hôtels, boutiques et appartements. En plus de jongler avec les différentes échelles de programmes, elle s'attache à l'intemporalité de ses concepts :
« Nous essayons de créer des formes simples avec des matériaux délicats pour parvenir à une esthétique intemporelle et fonctionnelle, pour des projets qui durent dans le temps. »
ÉVIDER POUR MIEUX RECRÉER
Dans le cadre de cette rénovation, le couple souhaite intégrer trois chambres et salles de bains en plus d'un grand salon donnant sur la cuisine. Mais plusieurs problèmes se posent : la surface au sol est trop juste pour les exigences des propriétaires et la hauteur sous plafond ne permet pas d'insérer un étage réglementaire. De plus, l'appartement s'étend sur plus de 20 mètres de profondeur depuis la façade sur rue, principale source de lumière naturelle, et de nombreuses parois fragmentent l'espace. L'agence décide donc de supprimer toutes les cloisons pour ne conserver que l'enveloppe formée par les murs porteurs en briques et la structure du plafond composée de voûtes catalanes - technique de construction traditionnelle du XVIIe siècle.
« Nous tenions à préserver la structure d'origine du logement en raison de son caractère authentique et du contraste qu'elle génère avec la nouvelle armature »
explique Jorge Alonso, l'un des architectes du projet. C'est dans ce nouveau volume vide et lumineux qu'ils dessinent la structure d'un étage intermédiaire de 58 mètres carrés avec des plateaux installés à différentes hauteurs en fonction des besoins ; des vides et des parois vitrées permettent de laisser passer la lumière. Les concepteurs conservent aussi les poutres et les six poteaux en bois de pin qui traversent l'appartement formant deux travées dans le sens de la longueur. Ces éléments, vestiges de l'ancien, délimitent certains espaces du rez-de-chaussée sans nécessiter de cloison : ils distinguent par exemple physiquement la cuisine du salon tout en assurant une continuité visuelle.
STRUCTURE HABITABLE
« Le plus gros défi de ce projet a été de construire une nouvelle habitation dans l'habitation existante : cela ressemble plus au processus de construction d'une maison unifamiliale qu'à une réhabilitation intérieure. C'est parce que ce projet a sa propre structure, ses façades et ses installations » poursuit Jorge Alonso.
Afin de conserver la plus grande volumétrie possible, les architectes ont cherché à générer l'ossature la plus fine ; ils ont opté pour un système métallique avec poteaux et poutres carrés de 8 x 8 centimètres courant dans l'ensemble de l'appartement. Garde-corps, parois vitrées ou en bois, sols et faux plafonds s'y intègrent grâce à une épaisseur de 8 centimètres maximum. Ce gain de place a permis aux concepteurs de répondre au cahier des charges et même de proposer des espaces supplémentaires au couple : un coin détente de 8 mètres carrés niché dans le salon et sa réplique en hauteur associée à un bureau suspendu. En effet, pour éviter un trop grand nombre de poteaux dans le salon, l'agence a décidé de fixer certains éléments au plafond : le bureau et la bibliothèque sont ainsi reliés aux parties basses des voûtes à l'aide de poteaux métalliques.
BLANC, BOIS, BÉTON
Le contraste entre l'enveloppe d'origine et la nouvelle structure est adouci par un choix volontairement restreint de couleurs et de matières. Le blanc recouvre ainsi à la fois les éléments métalliques de la mezzanine - structure laquée blanc de 4 millimètres d'épaisseur -, les murs de briques et les voûtes du plafond. Les parquets existants en pin ont été conservés et étendus au rez-de-chaussée comme en mezzanine. C'est la même essence de bois qui est utilisée pour les nouvelles cloisons et portes, l'escalier et même le mobilier : rangements, bibliothèque et bureaux. Certains sols et les trois salles de bains ont été réalisés en micro-ciment - revêtement de 2 millimètres d'épaisseur à base de ciment et quartz -pour des questions budgétaires, de facilité d'entretien et de contraste avec la chaleur du bois et la pureté du blanc. Peu de matériaux pour une si grande richesse d'atmosphères.
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FICHE TECHNIQUE
♦ architectes Zooco Estudio - Miguel Crespo Picot, Javier Guzmán Benito et Sixto Martín Martínez
www.zooco.es
♦ localisation Madrid (Espagne)
♦ livraison septembre 2018
♦ bâti d'origine 1900
♦ études 6 mois
♦ travaux 6 mois
♦ surface 140 m2
♦ matériaux briques (structure) / métal (structure mezzanine) / pin (parquet, parois mezzanine et mobilier) / verre (parois mezzanine) / micro-ciment (sols et revêtements salles de bains)
♦ fournitures lampe Cesta de Miguel Milá chez Santa & Cole / chaise BKF Armchair Leather chez Isist / lampadaire Gräshoppa par Greta Magnusson Grossman chez GUBI / tables basses Eclipse par Jon Gasca chez Stua / tabourets Hee Bar Stool chez Hay