Avec son chapeau mou, son col roulé, sa veste en cuir et ses lunettes fumées, Jacques Monory avait l'air de sortir d'une série B, d'un film noir des années 1950. Mais sa couleur, c'était le bleu, un bleu menthe glaciale. Sur ses toiles, ce voile polaire semble figer l'action en cours ; 60 années de carrière en mode pause que la Fondation Marguerite et Aimé Maeght de Saint-Paul-de-Vence déroule, de l'iconique série des Meurtres , qui fit connaître l'artiste, aux couleurs criardes, plus tardives, des Ciels ou des Technicolors . Pilier du courant de la figuration narrative, Jacques Monory, « depuis son atelier, contemplait le monde à travers la peinture » , explique Laurence d'Ist, commissaire de cette rétrospective. Il appréciait également les profondeurs des salles obscures : l'artiste trouvait en effet son inspiration devant les films ou les journaux télévisés, puisant dans le flot d'images de la modernité des instantanés qu'il recomposait ensuite à l'arrêt, sous le filtre polaire de ses pinceaux, « comme une mise à distance nécessaire pour aider le spectateur à aller au-delà du miroir » .
À chacun de reconstituer l'histoire : « Devant chaque tableau, on peut se faire son film ! » , s'exclame Laurence d'Ist.
D'opéras glacés en carrefours déserts, les personnages de l'artiste, son double ou même le visiteur - qui peut lui aussi rentrer dans l'œuvre par le truchement de miroirs criblés de balles -se découvrent livrés à eux-mêmes dans des espaces froids, fragmentés ou hyper structurés. Gare au malaise et aux comportements induits par ces bâtiments ou ces paysages aux ambiances lourdes. « Au final, c'est l'architecture qui semble écrire le scénario dans lequel le protagoniste va réagir, et lorsqu'il agit, c'est souvent mal » , conclut Laurence d'Ist. Comme une photo argentique qui se révèlerait dans son bain, les tableaux de Jacques Monory, sous leur gaze bleuâtre et crépusculaire, semblent avoir le pouvoir de lever le voile sur le vide d'un monde violent et déraisonnable.
Le salut, il se trouve peut-être en levant les yeux vers le firmament, sur ces supernovas flashy, dont les milliers d'étoiles captivent l'artiste absorbé à les peindre - pour un temps seulement : « J'espérais l'extase, je n'ai trouvé qu'un supplément de détachement » , déclarait le peintre. Le néant, en clap de fin.