Activement engagés dans la défense de l’environnement, Sébastien et Sofian décident de quitter Paris pour monter une résidence d’artiste à deux pas d’Arles. L’association Mas Baudran est créée, du nom de la ferme où elle élit domicile. Son objet : « Sensibiliser et interpeller le grand public sur les enjeux liés à la préservation du vivant, du climat et des paysages. » En choisissant de prendre place à 1,50 mètre au-dessus du niveau de la mer, parmi des rizières cultivées de façon conventionnelle, « à l’avant-poste des territoires menacés par le dérèglement climatique », à savoir par la montée des eaux, la salinisation des eaux souterraines et les risques accrus d’inondation, le projet prend tout son sens. La ferme plusieurs fois centenaire construite en pierre, aux multiples espaces allant du pigeonnier à la grange, en passant par une habitation surmontée d’un grenier, plantée sur un hectare de terre clôturé, est la citadelle idéale. Reste à parfaire cet ensemble en le rendant le plus possible autonome, suivant un programme précis et exigeant du point de vue environnemental. Quant à la définition des espaces, il s’agit essentiellement d’aménager la grange au volume généreux pour en faire un lieu de résidence d’artiste, tout en faisant place aux nids d’hirondelles. L’agence Pareil, fondée par Laetitia Paradis et Caroline Weill, s’attellent à la tâche de prendre soin de ce bâtiment et des oiseaux. Un maraîcher exploite les terres en permaculture. La vocation agricole n’est pas perdue.
Libre de contraintes
Si la réhabilitation de la partie habitation de la ferme était au programme, l’intervention la plus importante porte sur l’aménagement de la grange encore marquée par les traces de sa fonction première et de la succession des activités et propriétaires : sol en terre battue, mezzanine sommaire en bois pour stocker le foin et un ensemble d’ouvertures, fenestrons, larges portes, murées ou non. « L’enjeu, c’était de venir s’installer dans cette coque, de manière assez discrète, se souvient Laetitia Paradis, tout en restant fidèle à ses caractéristiques. » Dans cet espace aux dimensions généreuses et du fait que le programme était assez flexible, les clients ont été très ouverts aux propositions des architectes qui ne souhaitent aucunement dénaturer les éléments existants. Pour apporter un maximum de lumière et retrouver son côté traversant, toutes les ouvertures sont dégagées, comme cette grande porte bouchée, côté nord, qui permettait le passage des engins d’un côté à l’autre du terrain. Pour préserver l’existant, les architectes misent sur la création d’une mezzanine « flottante » et poussent le concept plus loin en recréant côté sud une façade intérieure, très ouverte et très aérée. Ce dispositif génère un haut couloir de 2,50 mètres de large, un patio bioclimatique qui, à l’usage, s’avère un excellent espace tampon, une extension et un lieu de repli quand il s’agit de se protéger du soleil ou du vent fort. C’est aussi le quartier privilégié des hirondelles, puisque la sous-face de la toiture reste ici brute. Elles peuvent ainsi installer leurs nids contre les poutres, là même où elles sont nées. Cette « priorité du programme, assez lunaire », trouve une solution.
Naturellement environnementale
En cohérence avec leur sujet, les clients avaient de fortes demandes en termes d’impact environnemental. Cela passe d’abord par un travail sur l’isolation thermique des murs au regard de leurs propriétés intrinsèques. Aussi, pour ne pas perdre leur qualité d’inertie, et dans la mesure où le climat est en cet endroit extrême avec de fortes chaleurs l’été et des hivers où les températures plongent, des correctifs sont apportés seulement en des points précis. « Certains murs sont très épais et si on les encapsule, on gagne l’hiver mais on perd en confort l’été », résume Laetitia Paradis. La cuve à fioul a été déposée, remplacée par une pompe à chaleur. Et pour ne pas avoir à chauffer l’intégralité du volume de la grange, les zones sont fractionnables à l’envi grâce à de grandes portes coulissantes ou à de grands rideaux. Par ailleurs, point important du cahier des charges, il fallait rendre le mas le plus autonome possible concernant l’alimentation en énergie. Le bâtiment étant situé aux portes du parc naturel de la Camargue, l’imperméabilisation des sols est interdite et empêche la création d’annexes pouvant recevoir des panneaux solaires, tout comme la protection du patrimoine interdit la pose de panneaux en toiture. Recherche de solution en cours…
Fiche technique
Architectes : Agence Pareil – Laetitia Paradis et Caroline Weill
Localisation : Arles (Bouches-du-Rhône)
Livraison : 2023
Bâti d’origine : XVIe siècle
Durée des études : 9 mois
Durée des travaux : 9 mois
Surface : 400 m2
Matériaux utilisés : murs pierre calcaire de Fontvieille ; enduit à la chaux ; fibre de bois (isolation intérieure) ; paille de riz de Camargue compressée (isolation toit) ; bois (menuiseries intérieures et extérieures, ossature mezzanine) ; marbre en opus incertum (sol patio) ; réemploi de matériaux issus de la destruction (marbre, pierre, mobilier…)
Équipements : pompe à chaleur + plancher chauffant ; ventilation naturelle assistée