C'est un mirage, un reflet furtif, une vue sur l'ailleurs délicatement insérée entre les oliviers, les vignes et les iris. Imaginée par les architectes Hervé Ellena et Stéphanie Mehl, cette extension d'une maison provençale subjugue par sa discrétion et son insertion dans le site - le flanc d'une colline en restanques, appartenant à la petite commune de Spéracèdes, à une dizaine de kilomètres de Grasse dans les Alpes-Maritimes. À l'origine de cette réalisation, le désir des propriétaires de disposer de davantage d'espace de rangement, ainsi que d'une chambre et d'une salle de bains indépendantes supplémentaires pour se retirer au calme lors des périodes de vacances, quand enfants et petits-enfants arrivent en nombre pour profiter de la résidence familiale et de son cadre bucolique.
ENCHÂSSEMENT DISCRET
Si le choix des architectes était une évidence - ce sont des proches de la famille -, les envies des maîtres d'ouvrage étaient en revanche beaucoup plus floues. « Leur désir d'agrandir la maison était fort depuis longtemps, mais il n'était pas concrètement formulé. Quand ils sont venus vers nous, ils nous ont simplement demandé si nous avions une idée pour conjuguer leurs besoins avec l'existant », raconte Hervé Ellena. Alors les concepteurs réfléchissent à un projet d'extension, dessinent, encore et encore.
Mais la bâtisse « installée entre deux restanques, très tramée avec son plan carré et ses ouvertures symétriques, présentait un caractère fini , comme le décrit l'architecte . Nous avions le sentiment de ne rien pouvoir lui ajouter, car nous voulions éviter le pastiche néo-provençal caractérisé par ses multiples ailes. Et il était hors de question d'ajouter un nouveau volume aussi visible qu'un nez au milieu de la figure… ».
Après plusieurs essais, une solution se profile : le duo imagine un projet rectangulaire et semi-enterré, simplement inséré entre la construction existante et la terrasse supérieure, au nord. Ainsi, les habitants peuvent facilement rejoindre leur nouvelle salle de bains, dressing et chambre en enfilade grâce à une ouverture percée dans la façade de la maison existante, au niveau de l'escalier - aujourd'hui équipé d'un palier intermédiaire. Le nouveau sous-sol, qui fait office d'espace de rangement, est, lui, accessible grâce à un passage aménagé dans la cuisine. Vue de l'extérieur, la réalisation, en forme de pavé biseauté, présente un toit à un pan végétalisé qui, couplé à l'utilisation de pierres sèches - issues de l'ancien mur de soutènement - en guise de parement pour la façade est, fond l'ensemble dans le décor, comme s'il s'agissait du prolongement naturel de la restanque voisine.
« Nous voulions que le projet soit une évidence, comme si nous n'étions pas intervenus, comme si nous n'avions pas forcé les choses », résume Hervé Ellena.
PERCÉES DE LUMIÈRE
Si sa volumétrie et son implantation permettent de dissimuler l'extension, ce parti pris aurait pu faire craindre un cruel manque de lumière, projet semi-enterré oblige ! Mais c'est sans compter sur l'ingéniosité des concepteurs qui ont dessiné deux larges baies, respectivement percées à l'ouest, côté salle de bains, et au sud, côté chambre. Chacune d'entre elles est composée d'un premier verre intérieur en double vitrage, puis d'une seconde paroi en verre simple extra-clair, maintenue par des pattes situées à l'extrémité de cadres en acier intercalés entre la dalle haute en béton et la couche d'isolant. Entre les deux, un espace tampon accueille un store roulant motorisé : idéal pour réguler les apports solaires, particulièrement forts dans la région ! Magistrale, la baie dans la pièce de nuit offre un panorama imprenable sur le paysage alentour, tandis que vue de l'extérieur, elle reflète l'image des nuages et de la végétation. « Notre effort s'est porté au niveau de l'angle que forment les deux façades et la toiture, là où se rencontrent le verre, la pierre et les herbes sauvages, détaille l'architecte. Le volume devient alors plus abstrait, comme une sculpture qui procède du paysage… »
Un ouvrage si parfaitement maîtrisé, si bien exécuté, que, quand la lumière est la plus propice, l'extension s'efface, aussi imperceptible qu'un songe évanoui un soir d'été…
Article paru dans Architectures À Vivre 101 : Améliorez votre maison