L'Australie s'étend en de vastes plaines et son architecture semble mimer cette horizontalité. C'est de ce postulat que sont partis les architectes de l'agence Austin Maynard quand un couple et leurs jumeaux leur demande de réfléchir sur le projet d'extension de leur maison. Datant des années 1930 , celle-ci est située sur un terrain coincé entre deux rues, l'une plutôt urbaine, bordée d'arbres, l'autre ressemblant à une route de campagne. En 2010 commencent les discussions autour du projet, sans s'attacher vraiment aux considérations architecturales, mais plutôt aux enjeux de la société d'aujourd'hui, afin que les concepteurs saisissent les valeurs des clients et réalisent un projet qui leur ressemble.
Les mots qui leur viennent quand il s'agit de décrire leurs souhaits sont : « Nourrissant, stimulant, galerie, inspirant, agréable, à la fois social et privé, introverti mais extraverti, héritage, responsabilité, caractère, attachant, discours et communauté » .
Et finalement, c'est bien ce qui ressort à la vue de cette extension aux multiples maisonnettes dont l'identité forte dissimule des lieux de vie pensés comme autant de réponses à ces besoins et désirs.
ÉTALEMENT ET VERTICALITÉ
La maison achetée par la famille - alors qu'elle réside dans l'habitation voisine et qu'elle y restera pendant les travaux - n'a pas un grand intérêt architectural, si ce n'est pour son style Art déco qui sera conservé. Côté règlement d'urbanisme, « l'Australie est très souple et encourage l'architecture contemporaine. Ici, la taille et la situation du terrain ont joué un rôle important quant à ce qui pouvait être réalisé : pas de problème d'assombrissement des habitations voisines et la parcelle était assez grande pour être construite » , expliquent les architectes. Mais d'un commun accord entre concepteurs et clients, il était hors de question que l'extension prenne la forme d'une « excroissance étrangère » , d'un volume trop imposant et monolithique qui viendrait perturber le contexte immédiat, aussi banal soit-il. Le parti-pris est donc de jouer le jeu de l'étalement urbain avec ce qui semble être plusieurs bâtiments qui en fait n'en forment qu'un, tous communiquant les uns avec les autres.
« De l'extérieur c'est un village, à l'intérieur une maison » , soulignent les architectes.
Tout en osant la verticalité par l'étroitesse qui renforce l'effet de hauteur et de finesse, les architectes empêchent la monotonie en alternant les orientations des pans de toit et en variant les revêtements. Les bardeaux de bois brut sont alternés sur les pignons tandis que la linéarité du bardage blanc renforce l'effet maison Monopoly. Dans le volume existant prennent place les chambres d'enfants, une salle de bains et un séjour ; dans l'extension sont aménagés un atelier, la chambre parentale, une salle de bains, la cuisine et la salle à manger. Dans cet ensemble, le jardin paysager prolonge et unifie les espaces de plain-pied.
BIOCLIMATIQUE ET ÉVOLUTIVE
Mark Austin et Andrew Maynard, tous deux formés en design environnemental et architecture, ont développé une économie de projet qui tend à minimiser la construction au profit de l'existant, pour ainsi réduire déchets et coûts. La parcelle s'étire idéalement d'est en ouest, ce qui a permis de placer la nouvelle construction le long de la limite de propriété côté sud et de profiter des apports en lumière naturelle et en calories (hémisphère sud oblige) tout au long de l'année. Les architectes ont multiplié les dispositifs bioclimatiques, les plus importants étant la gestion des apports solaires avec le double vitrage, les stores, l'isolation renforcée, la couleur blanche des toitures et la ventilation croisée qui permettent d'éviter toute surchauffe et le recours à l'air conditionné.
D'un point de vue structurel, « nous préférons construire en bois parce que c'est plus environnemental et moins coûteux, mais lorsque nous dessinons de grandes ouvertures avec de plus longues portées, nous devons utiliser de l'acier » , expliquent les architectes.
Le caractère durable d'un projet se mesurant aussi à sa capacité à évoluer selon les usages, les espaces peuvent ici être divisés pour former deux maisons distinctes ayant pour pièce commune la cuisine placée au centre. Cela a demandé une réorganisation complète du pavillon existant où l'installation de portes coulissantes permet d'ores et déjà de diviser le séjour en de petites pièces plus intimes. À terme, les enfants pourront y vivre pleinement leur indépendance.
JEUX DE PERCEPTION
C'est non sans humour que les concepteurs font référence au Tardis de la série britannique Doctor Who, cette machine à voyager dans le temps qui prend la forme d'une guérite pour policier et qui, une fois passée la porte, révèle un volume inimaginable. Associé à l'idée d'un objet plus grand à l'intérieur qu'à l'extérieur, l'effet est ici produit par l'absence de plafond, le jeu des doubles hauteurs laissées vides et la communication entre les pièces. Cette qualité de prise en compte de la perception se retrouve aussi dans la manière dont Mark Austin et Andrew Maynard abordent la vision que nous avons en ce XXIe siècle d'un volume construit. Pour eux, nous ne découvrons plus une architecture depuis le sol même mais sur nos écrans d'ordinateur, via des vues satellitaires.
Le traitement de la « cinquième façade » chère à Le Corbusier n'est plus accessoire mais une réelle priorité : « Nous ne pouvons plus placer tout le bazar sur le toit » , argumentent les architectes.
Prenant pour référence l'opéra de Sydney de Jørn Utzon, façades et toits se confondent. En l'absence de gouttières et de descentes d'eaux pluviales, les contours nets ressortent : cette attention pour les cieux ravit aussi les terriens que nous sommes.
Article paru dans Architectures À Vivre 93 : Agrandir sa maison
FICHE TECHNIQUE
♦ architectes Andrew Maynard Architects - Mark Austin (chef de projet) et Andrew Maynard (conception)
♦ localisation Alphington (Victoria, Australie)
♦ bâti d'origine années 1930
♦ livraison mars 2014
♦ études 12 mois / travaux 12 mois
♦ surfaces 225 m2 SHON, terrain 500 m2
♦ matériaux utilisés acier et bois (structure) / bac acier Lysaght (toiture) / cèdre rouge (bardeaux) / eucalyptus moucheté, teinté à l'huile de Tung (plaquage intérieur) / acier (menuiseries intérieures et extérieures) / béton (sol extension) / contreplaqué pin « Hoop » (mobilier cuisine) / acier (plan travail cuisine)
♦ fournitures céramique Ghiaccio par Classic Ceramics / robinetterie et équipement salle de bains Roger Seller / robinetterie cuisine Franke / évier Abey / châssis acier Skyrange Engineering / filet Oxley (premier niveau bureau) / luminaires HPM et Clipsal