« Ma belle-sœur souhaitait acheter une véranda toute faite dans une grande enseigne de bricolage, raconte David Leech, architecte à Londres. Je lui ai promis que pour le même prix, je lui créerai un jardin d'hiver original qui correspondra encore mieux à ses besoins. » Mais pour tenir son pari, le concepteur doit déployer des trésors d'imagination. Il sait qu'il ne peut pas se permettre d'utiliser des matériaux nobles et encore moins d'employer des ouvriers qualifiés. Il dispose néanmoins d'une ressource précieuse : le temps. « Nous avons commencé par acheter un maximum d'éléments préfabriqués, lucarnes, doubles vitrages, portes et luminaires, et consacré notre temps au reste, les murs et la toiture, qui donnent tout son caractère au projet. » Si leur design semble élaboré, leur mise en œuvre est simple, et David Leech laisse une grande marge d'erreur aux ouvriers pour être prêt à parer à la grossièreté de leur travail. Ainsi les écarts de la maçonnerie sont rattrapés par des couches épaisses de plâtre. La toiture, quant à elle, est constituée de poutrelles fines s'emboîtant de façon à former un maillage en losanges -légèrement plus complexe à installer que si le choix plus simple de l'orthogonalité avait prévalu, mais visuellement tellement plus original !
Si les clients rêvent, comme la plupart des habitants de cette zone pavillonnaire, d'une serre en style edwardien, ils ne sont pas focalisés sur l'aspect végétal ni la prédominance du verre, souvent énergivore en hiver comme en été. David Leech reprend donc le rythme des pilastres typique des vérandas, tant au niveau de la maçonnerie que de la baie vitrée et même du muret du jardin. Pour la toiture, il s'amuse à déployer différentes « strates de perception » : celle de la trame en bois, régulière, celle des lucarnes, aléatoires, et enfin celle des luminaires, obéissant à une organisation voulue graphique en plus d'être fonctionnelle. « Cette superposition de motifs permet de ne pas révéler le coffrage à première vue, souligne l'architecte, et de donner ainsi une profondeur particulière au plafond. »
L'architecte s'est dans ce projet efforcé de revenir aux principes du mouvement anglais Arts & Crafts, en vogue en Angleterre à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, en réponse à la révolution industrielle et l'austérité architecturale qui en a découlé. « L'esthétique a autant d'importance que la fonction, et l'atmosphère est partie prenante de l'architecture », affirme-t-il pour justifier ses partis pris décoratifs. Et d'ajouter que la clef d'un projet bon marché réside dans le choix d'un architecte bien payé, qui pourra dédier le temps nécessaire à trouver des solutions de qualité dans un budget limité. À bon entendeur !
« L'ESTHÉTIQUE A AUTANT D'IMPORTANCE QUE LA FONCTION, ET L'ATMOSPHÈRE EST PARTIE PRENANTE DE L'ARCHITECTURE. » David Leech, architecte
⇒ Réalisation parue dans le Hors-série 45 : 1001 désirs d'intérieurs