En fleur… Voilà un titre réjouissant qui donne envie de célébrer le printemps.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que cet ouvrage publié aux éditions Phaidon rend hommage à l'explosion de la nature printanière. Qui aurait pu croire que soucis, fuchsias, camélias, branches d'olivier, de houx et autres pivoines puissent être assemblés, pour ne pas dire détournés, d'autant de manières, faisant passer les bouquets que nous exposons fièrement sur la table de notre salle à manger pour de tristes et insipides arrangements ? Il y a d'abord ceux qui les utilisent pour concevoir des décors à couper le souffle, à l'image du Normand Thierry Boutemy qui habille podiums de défilés et autres studios photographiques de jardins suspendus aussi verdoyants que la forêt de Brocéliande un jour de mai. Ensuite, il y a ceux qui, comme Lewis Miller, réutilisent le travail des artistes précédents - dont les œuvres éphémères finissent bien trop prématurément à la poubelle - pour leur offrir une seconde vie en parsemant les quais du métro new-yorkais de gerbes de pavots et de roses ; il y a également ceux qui utilisent ramures et bulbes comme des toiles à peindre -ou à transformer en cerf-volant, c'est selon. Une pratique adoptée par l'artiste autodidacte Sophie Parker, laquelle a pris la fâcheuse et délicieuse habitude de représenter ciels nuageux et arcs-en-ciel sur de larges feuillages. Certains enfin, comme Jérémy Martin, envisagent les plantes comme de véritables bijoux et accessoires - nul doute que la barbe en fleurs d'hortensia fera fureur chez les hipsters de demain -quand d'autres, comme le tokyoïte Azuma Makoto, passent plusieurs heures à créer des compositions de dahlias et de lys avant… d'y mettre le feu.
Et puis il y a ceux, plus classiques, qui, nous donnant une leçon de composition pour le plus grand plaisir de nos yeux, ont choisi d'élever la confection de « simples » bouquets au rang d'art, appliquant des méthodes efficaces et novatrices pour révolutionner la pratique. Parmi eux, Majid Mohammad, créateur de la boutique Muse - perchée sur les hauteurs de Montmartre -, lequel parvient à rendre le naturel d'un véritable jardin dans chacune de ses créations. Son secret ?
« Quand je regarde [les fleurs], j'ai l'impression qu'elles me parlent » , confie-t-il à la journaliste Charlotte Fauve.
Autre approche, plus pragmatique, celle du fleuriste suédois Christoffers Blommor. Lancé dans la profession « par hasard » , il explique « aimer sentir et surtout ressentir les essences [qu'il] achète. Comme un chef cuisinier choisit ses ingrédients » . Pourtant, le jeune prodige n'hésite pas à partager à l'envi ses réalisations sur les écrans sans arôme des réseaux sociaux. Un paradoxe ? En aucun cas pour celui qui voit plutôt là « une façon de partager son travail avec le plus grand nombre » , d'autant que cela ne change en rien sa manière de faire. Enfin il y a celles et ceux qui, à l'image de Frida Kim, explorent à 100 % le champ des possibles qu'offrent les plantes, y compris dans leurs imperfections. Née en Corée du Sud, la jeune femme multiplie ainsi les réalisations inattendues : compositions de clématites et d'hortensias - à moitié fanés - ou bouquets de boutons d'or décimés… Pour un résultat aussi beau qu'improbable. « Quand je suis arrivée en Angleterre il y a sept ans, j'ai découvert la magie d'un jardin d'hiver anglais : les arbres nus, les fleurs séchées et humides… J'y ai trouvé une forme d'élégance différente de celle de la nature. Cela m'a inspirée et donné envie de travailler avec toutes sortes de matériaux, en particulier les fleurs vieillissantes, voire mourantes… Elles sont le reflet de la vie » , explique celle qui vient de collaborer avec le célèbre styliste anglais Paul Smith. Preuve, s'il en fallait, du flower power.
► VIDÉO : Christoffers Blommor, fleuriste corps et âme à Stockholm (source : Lajoiedesfleurs.fr)
► Article paru dans Architectures À Vivre 107 spécial Maisons particulières