C'est un drôle de fruit qui pousse, en 2017, dans cet ancien jardin pédagogique de la ville de Sèvres : une maison dense comme une pêche charnue, et aux intérieurs pourtant si vastes ! À la différence du fruit décrit dans le roman de Roald Dahl, cette pêche-là n'a pas pour origine un petit garçon prénommé James : son histoire débute en fait avec l'acquisition du terrain par une famille de cinq personnes habitant à quelques dizaines de mètres de là. Mais la parcelle est si particulière -un fin et long ruban présentant une forte déclivité -, que ses nouveaux propriétaires ne se font pas d'illusion : pour bâtir la maison de leurs rêves, comprenant tout de même quatre chambres, une suite parentale et une terrasse, ils auront besoin de l'aide d'un architecte. Le destin -bien aidé par un site de mise en relation entre maîtres d'ouvrage et d'œuvre -les amène alors sur la route de Thomas Pozzi dont l'atelier est installé dans la ville voisine, à Meudon.
C'est le contexte qui guide les choix du concepteur : puisque le terrain est étroit, il privilégie, pour la structure de cette maison à deux pans, un bois lamellé croisé (CLT). « Les murs porteurs ne font que 8 centimètres d'épaisseur au lieu de 40, argumente-il. Une économie non négligeable sur une parcelle d'à peine 5 mètres de large ! » La seule trace d'une maçonnerie plus traditionnelle se trouve aurez-de-chaussée-complètement traversant -, sous forme de poteaux supportant l'habitation. Résultat, elle semble flotter dans les airs, comme un petit fruit qui se serait épanoui là, entre les constructions mitoyennes. Une densité amplifiée par le bardage, constitué de tasseaux verticaux en sapin du nord. « Celui-ci s'enroule autour du projet, jusqu'au toit, il lui donne un aspect monolithique pour se démarquer du tissu bâti environnant », explique Thomas. Et à l'image de la pêche magique inventée par l'auteur britannique, cette peau, traitée autoclave, ne s'altérera pas avec le temps !
La distribution des espaces intérieurs aussi est déterminée par le contexte : plutôt que d'essayer d'obtenir une surface plane, Thomas Pozzi décide de jouer avec la pente. Ainsi la maison s'élève-t-elle sur plusieurs de-mi-niveaux desservis par un escalier central. Un système qui permet de démultiplier les surfaces et donc d'intégrer l'ensemble du cahier des charges sur 150 mètres carrés, tout en limitant le nombre de cloisons. Les rayons méridionaux du soleil sont captés grâce à de larges baies vitrées et baignent, sans exception, toutes les pièces, alors parées de délicats reflets blonds. Car, à part dans les pièces d'eau, le CLT d'épicéa est partout laissé brut, parachevant la cohérence de cette maison où prévaut l'harmonie, un peu comme entre les occupants de la Pêche géante, finalement.
« LES MURS PORTEURS NE FONT QUE 8 CENTIMÈTRES D'ÉPAISSEUR AU LIEU DE 40. UNE ÉCONOMIE NON NÉGLIGEABLE SUR UNE PARCELLE D'À PEINE 5 MÈTRES DE LARGE ! » Thomas Pozzi, architecte
⇒ Réalisation parue dans le Hors-série 45 : 1001 désirs d'intérieurs