Rédigé par Marie-Anick Rantos | Publié le 24/09/2018
Sur la fragile baie de Whangapoua, les constructions de loisirs s'égrainent le long des 2 kilomètres de sable blanc qui bordent la petite station balnéaire située à moins de trois heures d'Auckland. Cette appropriation des franges côtières fait partie de la culture néo-zélandaise : dès les années 1950, les baches - l'équivalent de nos cabanons marseillais - envahissent librement les bords de mer. Mais aujourd'hui, quand la beauté d'un site occulte sa dangerosité latente et que l'envie d'y construire un abri l'emporte sur la raison, la réglementation se fait contraignante. La récente planification territoriale, dépendant de la loi sur la gestion des ressources* établie en 1991, accorde cependant un droit d'usage à ces anciennes installations sauvages, icônes du patrimoine architectural. Si elle en ordonne parfois la destruction sur des sites très protégés, elle tolère aussi de nouvelles constructions sur des terrains traditionnellement occupés par les baches et aujourd'hui viabilisés. Mais celles-ci doivent être démontables, pour échapper aux dangers d'une côte rongée par les flots.
VIGIE NOMADE
Connaissant les précédentes réalisations de l'agence Crosson Architects sur ce littoral, une famille d'Auckland lui confie la conception d'une maison de vacances qu'elle souhaite petite et expérimentale. Sur le terrain qu'ils possèdent en front de mer et où ils campent régulièrement, à quelques enjambées des vagues, ces robinsons d'un nouveau genre - les parents et leurs trois enfants - veulent en effet profiter de plaisirs simples : dormir, cuisiner, manger et se laver sans rompre le lien avec l'extérieur. Un lieu de vie confortable et sans contraintes, requérant fonctionnalité et rationalité. Soumis à la réglementation locale, les architectes proposent une alternative : la mobilité. « Les clients se sont passionnés et beaucoup engagés pendant la conception qui a duré un an, se souviennent-ils. C'est un projet complexe pour lequel ils ont été courageux et très aventureux, ce que nous avons particulièrement apprécié ! » Ils osent en effet un système inédit : la maison repose sur un traîneau en bois qu'un tracteur pourra tirer en cas de danger. Il suffira de déboulonner les patins - solidement ancrés à une dalle en béton évitant l'ensablement - et de la déconnecter du réseau électrique et des eaux usées pour la libérer de toute entrave .
« Nous voulions une référence aux tours de surveillance, comme un artefact intégré au paysage côtier. Les matériaux choisis respectent l'environnement et le contexte des baraques de plage » , précisent les architectes.
Ils imaginent un bâtiment évoquant à la fois la rusticité du cabanon traditionnel, la légèreté du camping et le confort moderne. Ils érigent donc une structure en bois qu'ils protègent des intempéries par un bardage en Macrocarpa, une essence très répandue en Nouvelle-Zélande, utilisée à l'extérieur pour sa durabilité naturelle et à l'intérieur pour la finesse de son grain et ses couleurs chaudes. Un immense panneau se déploie devant la façade nord-est exposée aux embruns, isolant l'habitation lors des mauvais jours et pendant les longues périodes où elle reste inoccupée.
RANGÉE AU CARRÉ
« L'aménagement d'une petite maison pour une famille de cinq personnes représentait un autre défi de taille » , insistent les concepteurs. Pour préserver la simplicité des bâtis traditionnels et une faible emprise sur le terrain, ils optent pour une structure compacte créant seulement 40 mètres carrés de surface habitable.
C'est en effaçant la transition entre l'intérieur et l'extérieur par le jeu des ouvertures, en optimisant les rangements et les accès, qu'ils conçoivent ainsi une roulotte spacieuse et lumineuse.
Chaque angle et recoin du cabanon est habillé de caissons et d'étagères en contreplaqué de pin du sol au plafond, banissant tout meuble dans les espaces de circulation. Fixée contre une paroi telle un espalier, l'échelle, qui mène par deux trappes à la chambre parentale en mezzanine et à la terrasse sur le toit, restreint de même au minimum la surface des circulations verticales. Un bloc en fibres-ciment abrite le coin des enfants et les sanitaires, alimentés par deux citernes récupérant l'eau de pluie, et subvenant également aux besoins en eau potable de la famille. Loin des tramways ou des cabines de camions recyclés et customisés en cabane de pêcheur dans les années 1950, cette petite construction -bien qu'affichant la même modestie - combine donc confort et préoccupation environnementale.
*Resource Management Act : le RMA prône la gestion durable des ressources naturelles telles que la terre, l'air et l'eau.
⇒ Article paru dans le Hors-série 40 : BEST OF Les plus belles maisons d'architectes
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FICHE TECHNIQUE
♦ architectes Crosson Architects Ken Crosson
www.crosson.co.nz
♦ localisation Whangapoua (Nouvelle-Zélande)
♦ livraison 2012
♦ études 12 mois chantier 6 mois
♦ surface 40 m²
♦ matériaux utilisés béton (dalle d'ancrage) / Macrocarpa ou cyprès de Monterey (bardage) / pin (structure et aménagement intérieur, menuiseries) / acier (menuiserie de la grande baie vitrée, éléments structurels, paillasses de la cuisine et de la salle de bains) / feuilles d'Eterpan (revêtement extérieur du bloc arrière en fibres-ciment) / Danpalon (panneau en polycarbonate translucide de la salle de bains) / Parklex (revêtement muraux de la salle de bains)