Rédigé par Nadège Mevel et Mathieu Fumex | Publié le 03/08/2020
[ Ironie flottante : Sail Out, par Rodolfo Dordoni ]
Aux côtés de Patricia Urquiola et Philippe Starck, le designer italien Rodolfo Dordoni imagine la très complète collection Sail Out, composée d'un canapé, d'un pouf rond, de tables de hauteurs et fonctions différentes, d'une chaise et d'un petit fauteuil empilable. La ligne directrice de Sail Out ? Les matériaux que sont le teck et le béton bien-sûr, mais aussi et surtout le souvenir des matelas gonflables en tissus qui flottaient sur les eaux des années 1950. Une réminiscence qui s'exprime tout particulièrement à travers les coussins d'assises ostensiblement « dodus » et qui, d'après leur créateur, confèrent à l'ensemble un « caractère ironique ».
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[ Sauter dans ses souvenirs : Trampoline, par Patricia Urquiola ]
Comment est né le projet d'une collection outdoor complète ?
Il y a environ un an, Luca Fuso est devenu le nouveau PDG de la marque. Par le passé, lui et moi avions déjà collaboré, et nous avions eu l'occasion de créer une division outdoor pour une autre enseigne. C'est donc un sujet qui nous est finalement venu assez naturellement…
Comment s'est mise en place la collaboration avec Rodolfo Dordoni et Philippe Starck pour cette première collection ?
Il se trouve que nous étions déjà en train de travailler avec Rodolfo Dordoni sur un autre projet. Lorsqu'il collabore avec nous, il y met beaucoup d'émotion, et il a très vite évoqué des souvenirs de matelas flottants sur l'eau. Cela a commencé ainsi. Quant à Philippe Starck, il nous a dit qu'il était intéressé par l'idée de faire quelque chose de très humble, avec des cordages. Il nous a raconté une histoire très belle dont nous avons eu envie de nous emparer.
Vous-même avez contribué à la collection avecTrampoline. Comme l'avez-vous conçue ?
Je me suis d'abord demandé quel était pour moi l'image la plus forte, émotionnellement, que j'avais de l' outdoor . Je me suis alors souvenue d'un voyage, c'était il y a 4 ou 5 ans, au Groenland, dans la côte ouest, la plus sauvage. Nous sommes arrivés dans un village, et devant chaque maison, il y avait un seul équipement, c'était un trampoline, dont les pieds étaient suffisamment longs pour s'en servir même sous la neige. J'ai trouvé que c'était une très belle image et un bon point de départ…
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[ Entre Neandertal et Duchamp : Fenc-e Nature, par Philippe Starck ]
Votre proposition pour cette collection s'appelle Fenc-e Nature. Comment est-elle née ? Avez-vous eu carte blanche ?
Carte blanche, oui ; je suis totalement incontrôlable pour les autres, comme pour moi-même. L'idée que l'on puisse me donner un programme est complètement contradictoire avec ma façon de travailler, et j'en suis désolé… (il rit). Pour en revenir à Fenc-e Nature, si vous ouvrez les catalogues d'équipements pour l'extérieur, vous verrez que les produits sont tous les mêmes : ils ont les mêmes couleurs, les mêmes matières. C'est assez époustouflant ! L'autre point, c'est que c'est un peu l'empire du mensonge. Tout est en plastique mais essaie de ne pas en avoir l'air. Ce qui me paraît très contradictoire avec le respect que l'on doit à la nature. La nature, c'est la vérité. J'ai donc voulu revenir à la vérité, en proposant quelque chose fait avec de vrais matériaux. Bien-sûr, l'un des grands principes de la modernité est la durabilité, donc les pieds sont en aluminium et les coussins en tissu synthétique pour résister à l'humidité, mais le reste, c'est de la corde tressée, des planches de teck, tout cela réalisé avec de vraies mains. C'est quasiment néandertalien, entre le do it yourself et le Ready Made de Duchamp. D'ailleurs, j'aime assez l'idée que dans 10 ou 20 ans, les pièces soient peut-être un peu abîmées, et que vous les rafistoliez avec de la corde fluorescente issue d'un filet de pêcheur trouvé sur la plage. Il y a là une élégance du geste, celle des gens qui font juste ce qu'ils veulent avec leurs mains.
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