Rédigé par Maëlle Campagnoli | Publié le 01/12/2015
Une famille de Seattle se prend à rêver d’une maison de vacances qui éveillerait son sens de l’aventure, un endroit spécial, pour toutes les générations, où se concocter des souvenirs inoubliables et profiter de l’été tout autant que des longs week-ends d’hiver. Elle fait alors l’acquisition d’un terrain en hauteur dans le magnifique parc naturel de Pearrygin, à l’est de Seattle, avec une vue panoramique à couper le souffle sur les Studhorse Ridge Mountains et le lac Pearryngin en contrebas. Reste à trouver l’architecte qui saura interpréter cet idéal. Après consultation de plusieurs agences, elle rencontre Tom Kundig, d’Olson Kundig et associés. Comme ses futurs clients, le concepteur vient de la région et partage le même amour pour ce territoire sauvage et particulièrement bien préservé. Outre cette communauté d’origine, le cabinet, et surtout Tom Kundig, a déjà à son actif nombre de réalisations sur des sites époustouflants, refuges où l’environnement joue un rôle majeur. « Je privilégie toujours des matériaux appropriés au contexte, la plupart du temps bruts et rustiques, parce qu’ils évoquent la nature, se patinent avec le temps jusqu’à fondre totalement la construction dans le paysage », explique-t-il. Pour lui, l’art de bâtir est un pont jeté entre l’homme et la force des éléments. Il n’en faut pas plus pour convaincre les propriétaires. La demande est simple : un camp de base pour des aventures familiales.
De tente en tente
« Les clients avaient l’idée d’une maison qui les feraient se sentir comme dans un vieux motel vintage : une série de constructions réparties autour d’une cour, raconte Tom Kundig. À partir de là, les échanges ont évolué vers l’idée d’explorer la tradition des campements des pionniers de l’ouest qui rangeaient leurs caravanes en cercle autour d’un feu. » Un parti pris particulièrement à propos dans cette région ! Au rang des anecdotes pittoresques, la ville de Winthrope – commune sur laquelle se situe le terrain et préservée dans le style Western – possède le plus vieux saloon légal des États-Unis, ouvert en 1891. Il est même possible d’y assister à des reconstitutions de duels au pistolet… La famille attache une importance particulière à la conception d’un espace central où tous puissent se rassembler, être en phase avec l’environnement, ressentir un lien direct avec la nature. L’organisation du plan, l’utilisation de la topographie du site et la mise en œuvre des bâtiments est entièrement basée sur ce concept. L’architecte répartit ainsi, au sommet de la crête du terrain, quatre édifices autour d’un espace extérieur – un premier dédié à la vie commune, un autre pour les chambres de la famille, une suite indépendante pour les invités et un petit sauna en contrebas de la piscine –, au centre duquel trônent une petite flamme symbolique et l’unique rocher présent sur le terrain. « Passer de bâtiment en bâtiment c’est comme passer de tente en tente », explique Tom Kundig. Il faut aller dehors pour rentrer. Une contrainte que clients et architecte voient plutôt comme une invitation à l’aventure. « J’ai fait beaucoup de randonnée, poursuit le concepteur. C’est en même temps romantique et inconfortable, ça fait peur. Vous avez froid, chaud, mal. Mais vous êtes vivant. » Par contraste, les intérieurs sont eux particulièrement cosy, comme « un sac de couchage douillet, chaud et sec », conclut-il.
Construire avec les éléments
L’architecte développe avec subtilité cette esthétique de la cabane rustique. Les matériaux sont bruts, de l’acier pré-rouillé de la structure métallique aux panneaux de bardage en bois feuillu récupérés sur une ancienne grange de la région, en passant par l’acier Corten des volets des chambres. Ils ont ainsi déjà vieilli, pour mieux résister à la chaleur extrême et à l’aridité de l’été, tout autant qu’au froid mordant de l’hiver, à la neige, à la glace, et vont continuer à se patiner, jusqu’à ce que la maison disparaisse dans son environnement. À l’intérieur, même simplicité : béton et contreplaqué bruts, non traités. « J’aime laisser les choses telles qu’elles sont, plutôt que de les couvrir », explique Tom Kundig. Le verre, enfin, occupe une place très importante, pour mieux cadrer les vues à 360 ° sur le site et inviter la nature dedans. Les murs sont majoritairement composés de panneaux vitrés aux dimensions immenses, qui coulissent ou pivotent pour ouvrir la construction aux éléments. Néanmoins le recours à la transparence n’est pas le seul moyen de connexion avec le paysage. Dans l’édifice commun, le mur de la cuisine s’ouvre littéralement pour générer un bar autour duquel tout le monde peut se rassembler, générant aussi un jeu habile d’auvents mobiles, qui permet aux habitants de rallier le bâtiment contenant les chambres et le petit salon à l’abri. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Malgré les grandes dimensions du projet, Tom Kundig signe ici un refuge radical et contemporain, inséré avec beaucoup de poésie dans le très grand paysage. Une réalisation simple, et en même temps puissante, qui a été primée cette année par l’American Institute of Architects.