Leur temps de pose serait celui… d’un baiser, french kiss suffisamment long – pas moins d’un quart d’heure ! –, pour que l’appareil, obturateur grand ouvert, embrasse tout un paysage sous la lumière lunaire. L’histoire serait presque digne d’un film de loup-garou : il y a une décennie, l’artiste londonien Darren Almond photographie, par hasard, la montagne Sainte-Victoire un soir de pleine lune. Fasciné par cette image, il la contemplera longtemps, dans le calme de son atelier. Depuis, la série Fullmoon l’a mené dans le monde entier, à la recherche de clichés nimbés d’une douce lueur. Des sources du Nil aux montagnes de Rwenzori en Afrique, jusqu’aux falaises imposantes de Rügen, en Allemagne, ces clichés nocturnes mais lumineux, quelque part entre les tableaux de Joseph Mallord, William Turner ou Caspar David Friedrich, rendent hommage à des siècles de peinture de paysage. Rassemblés dans un beau livre des éditions Taschen, ils éclairent, de leur étrange atmosphère, une époque où la profusion d’images se fait plutôt de façon instantanée. Un éloge de la lenteur, à la fois reposant et questionnant, puisque, selon Darren Almond, « quand on choisit un long temps de pose, on ne peut jamais voir ce qu’on prend en photo. Mais on laisse plus de temps au paysage pour s’exprimer. » Une bonne résolution à prendre en ce début d’année…