En juin dernier, des pluies torrentielles ont décimé la production des hortillonnages d’Amiens – ainsi appelle-t-on la Venise Picarde, ces marais au sol fertile entrecoupés de canaux où l’on pratique la culture maraîchère. Si cette année courgettes et navets se font rares sur le traditionnel marché sur l’eau, la pluie d’oeuvres d’art, elle, ne tarit pas dans les marécages jardinés. Progressivement, le lieu troque en effet sa vocation vivrière contre l’accueil de la création contemporaine : en six ans, plus de cent oeuvres ont vu le jour dans le cadre du festival Art, Villes & Paysage. En 2016, le rendez-vous artistique rempile, embarquant ses visiteurs en canot électrique entre terre et eau, à la découverte d’onze installations et jardins inédits. Un champ de blé à fleur d’eau, un jardin de feuilles mortes volantes : la poésie se mêle à une réflexion sur l’écologie. Dans ce registre, mention spéciale à Miracle Mountain, projet du collectif international Disaster, qui s’appuie sur les propriétés du compost. Ses quatre concepteurs utilisent en effet ce qu’ils considèrent comme un pouvoir magique : la production d’eau chaude à partir de déchets verts grâce aux théories oubliées d’un ingénieur franco-suisse, Jean Pain, inventeur du Biomeiler. Cet appareil de chauffage innovant, dont le réseau de tuyaux traverse un tas de compost, fait jaillir de cette montagne miraculeuse une source à 35 °C. Cette eau à la chaleur inattendue ouvre un espace de balnéothérapie fleuri, où petits et grands sont invités à tremper les pieds. Joyeux et engagé, ce lieu à l’allure surnaturelle insiste en douceur sur les bienfaits du recyclage, favorisant du même coup rencontres et discussions. La source d’une nouvelle reconversion ?