Elle serait née en même temps que l’architecture : des ziggourats, pyramides à degrés du Croissant fertile, aux stupas, temples birmans qui par milliers pointent leurs dômes sur le plateau du Bagan, la brique, humblement, discrètement, a construit le monde.
Elle serait née en même temps que l’architecture : des ziggourats, pyramides à degrés du Croissant fertile, aux stupas, temples birmans qui par milliers pointent leurs dômes sur le plateau du Bagan, la brique, humblement, discrètement, a construit le monde. Au fil des siècles, le modeste parallélépipède taillé de la main du maçon a en effet vu ses prouesses éclipsées par celles des matériaux modernes. Progressivement, ciment et parpaings ont en effet fait oublier les records des anciens temps. Qui se souvient aujourd’hui que l’on doit à la brique aussi bien les tours en hélices de Samarra (852), jadis la plus grande mosquée du monde, que les immenses thermes de Caracalla (216), dans la Rome antique ? Sans oublier le tout premier « gratte-ciel » : perçant de ses 45,6 mètres de hauteur les nuages de l’Ouzbékistan, le minaret de Kalyan (1127) impressionnait tant ses contemporains qu’en 1220, lors du sac de la ville de Bako, il bouleverse même Gengis Khan, l’inflexible conquérant moghol. Ébahi par la haute silhouette de l’édifice, celui-ci décide d’épargner la tour, l’une des 180 incroyables constructions qu’abrite l’ouvrage Brique, fraichement publié par les éditions Phaidon. Une promenade planétaire qui embarque le lecteur au fil de bâtiments rouge orangé, de la France au Canada, de - 4000 avant J.-C. aux années 2000. Son auteur, William Hall, aime prêter sa plume et son œil aux matériaux dépréciés : après le béton, en 2015, c’est donc au tour de la brique de se voir célébrées en huit chapitres, qui s’attardent aussi bien sur la forme que la texture du plus ancien matériau jamais mis au point par l’homme. Vieux comme la tour de Babel, mais si adapté aux nouvelles technologies qu’il attire les innovateurs : de Frank Gehry, à Peter Zumthor ou Wang Shu, les architectes parmi les plus renommés se retrouvent nombreux dans ce livre, qui juxtapose à plaisir bâtiments historiques et contemporains, conçus à l’aide de robots comme d’éléments recyclés. Écologique car faite de terre cuite ou crue, la brique, dont la structure à alvéoles respire à la manière des êtres vivants, se retrouve désormais dans l’air du temps. Si pour accéder à l’immortalité, les rois mésopotamiens faisaient autrefois graver leur nom sur chacune de celles de leur palais, l’avenir de la construction pourrait bel et bien se trouver dans ces parallélépipèdes aussi esthétiques que durables.