À quelques encablures du port de Folleux, niché au creux de l’un des méandres de la Vilaine, un volume en bois se dissimule parmi les arbres, comme une chaumière de conte de fées. La construction, subtilement inscrite dans son environnement grâce à son bardage en bois, échappe à la vue du promeneur et laisse le navigateur songeur : « Est-ce une palissade ? Une cabane ? Un belvédère ? » Malgré cette apparence atypique – un ruban de 18 mètres de long –, il s’agit bien d’une maison, construite par les architectes de l’atelier MIMA. À l’origine, la parcelle en pente, très arborée, accueillait une simple cabane, modeste mais agréable pour venir passer de beaux dimanches en famille. Son propriétaire, devenu trop âgé pour en profiter, la cède à ses enfants qui envisagent d’y bâtir deux résidences, l’une principale, l’autre secondaire. Ils pourront ainsi renouer avec l’époque des pique-niques en forêt et des baignades dans le fleuve tout en jouissant du cadre idyllique de la vallée. Un projet enthousiasmant mais contraint par le temps, car la mairie prévoit de modifier le Plan local d’urbanisme (PLU), ce qui risquerait d’inscrire le lieu sur la liste des terrains non constructibles. Par chance, le fils de l’un des maîtres d’ouvrage est architecte : Sébastien Magrez vient en effet de créer une agence avec son associé Antoine Michaud. Le tandem est donc tout désigné pour imaginer deux logements intégrés avec intelligence dans leur environnement et propices à la vie en communauté, le tout sans dépasser un budget relativement modeste.
Histoire de famille
Pour cette toute première réalisation, les jeunes architectes jouissent d’une grande liberté : c’est pour eux l’occasion idéale de faire leurs preuves ! Faisant face à deux projets et non un seul, ils prennent le parti de la cohérence et de la continuité. C’est ainsi qu’ils dessinent un village familial composé de trois volumes en structure bois : deux habitations et un atelier. Leur implantation au niveau de la rupture de la pente délimite un espace consacré aux véhicules côté rue et un grand jardin plus tranquille côté fleuve. En outre, les logements seront disposés de part et d’autre d’un bosquet, si bien que les différents occupants profiteront d’une grande proximité sans perdre d’intimité. Malheureusement, à cause d’un budget encore plus serré que prévu, seuls la maison de vacances et l’atelier ont pour l’instant vu le jour.
Techniques de camouflage
Bâtie en auto-construction, l’habitation principale est un exemple d’insertion soucieuse de son cadre naturel. Implantée suffisamment haut dans la vallée pour être raccordée aux réseaux d’eau, mais assez bas pour échapper au regard des passants, elle est constituée d’un seul corps, un pavé de 18 mètres de longueur qui épouse l’inclinaison du terrain, déposé sur une simple dalle de béton. Une sobriété revendiquée par les concepteurs : « Sur nos premières esquisses, la maison était plus complexe : l’inclinaison de la toiture était par exemple inversée, dessinant comme un observatoire sur la Vilaine. Mais ce parti-pris ne fonctionnait pas, confie Sébastien Magrez. Il était trop marqué, trop voyant pour ce site si léger et brumeux ». Pour plus de discrétion, ils privilégient alors un toit parallèle à la pente. C’est la terrasse, installée au sud du logement, qui fait office de point de vue sur le fleuve. Quant au bardage, constitué de lames verticales de pin douglas non raboté, il contribue lui aussi à fondre la réalisation dans son décor. « En jouant aléatoirement avec des planches de largeurs différentes, nous sommes parvenus à recréer un effet naturel, visuellement assez éloigné d’un calepinage classique », explique l’architecte. Une solution poussée à l’extrême, puisque la porte d’entrée est habillée du même revêtement, disparaissant ainsi à la vue. « Nous avons délaissé les codes de la maison iconique, poursuit Sébastien Magrez. Le projet évoque davantage la clôture d’une clairière qu’un véritable foyer ! ».
Observatoire d’ornithologue
Une grande sobriété qui permet aux habitants de jouir du site exceptionnel. La maison, construite sur deux niveaux de plain-pied, rappelle en ce sens la cabane ultra-discrète de l’ornithologue, faite pour scruter la faune locale sans risquer de la déranger. Les architectes jouent aussi sur l’effet de surprise, scénarisant l’accès au foyer et la distribution des pièces de manière à sublimer la vue. « En passant la porte d’entrée, le visiteur arrive sur le plateau le plus haut, celui qui accueille les deux chambres et la salle de bains, raconte Sébastien Magrez. La Vilaine y est encore invisible et seuls quelques arbres sont perceptibles. Pour découvrir le panorama, il faut "se promener" et descendre dans le grand salon-cuisine ». Une balade qui vaut bien le détour, puisque le séjour dispose de deux ouvertures principales : une immense baie vitrée de 11 mètres de long ainsi qu’une fenêtre en angle exposée nord-ouest. Au bout de cette escapade, deux échappées possibles : la terrasse, avec vue sur l’ancienne cabane du grand-père restée intacte, ou le petit banc sous la vitre pour bouquiner au coin du feu.
Macroscule
Malgré ses 87 mètres carrés répartis sur deux niveaux, la construction surprend tant elle semble spacieuse. Sébastien Magrez explique : « Afin de profiter au maximum de toute la maison et de pallier sa petite surface, nous avons fait en sorte que les fonctions des pièces puissent évoluer selon les moments de la journée. Ainsi, les portes à galandage des deux chambres et de la salle de bains sont alignées et peuvent être ouvertes lorsque tout le monde est réveillé », confie-t-il. Une ingéniosité qui amplifie l’effet de profondeur et qui dévoile une autre astuce du projet : le plancher des pièces de nuit en béton ciré et le plan de travail de la cuisine ne font qu’un ! « Il est même possible de chauffer le café depuis la chambre », raconte l’architecte amusé, tout en concédant que le procédé serait plus contraignant à mettre en place dans une résidence principale. Une dimension plurielle, certainement inspirée par les week-ends passés dans la cabane du grand-père, que l’on retrouve aussi dans certains détails : le meuble en contreplaqué où les habitants déposent leurs chaussures en rentrant dissimule de l’autre côté… le réfrigérateur de la cuisine ! Une histoire qui ne devrait pas s’arrêter là, puisque le chantier du deuxième projet – retravaillé en maison secondaire – débutera finalement à la rentrée…